C' EST à l'issue d'un important travail de modélisation, avec représentation tridimensionnelle, que la première substance capable d'inhiber l'enzyme indispensable à la production de nouvelles particules virales a été remise aux responsables du développement des Laboratoires Roche en 1989. Mais entre la modélisation informatique et la production de quelques grammes d'inhibiteur de protéase (IP), il fallut vingt-six étapes et un an, alors même que le procédé de fabrication final devait fournir ce produit de haute spécificité en grande quantité, car plusieurs grammes sont nécessaires chaque jour aux patients pour atteindre des dosages sanguins efficaces.
Les choses sont ensuite allées très vite : premiers résultats de trithérapie en 1994 (ACTG 229, Yokohama), ATU de cohorte pour 3 200 patients en 1996, AMM en mai 1996 pour Invirase et confirmation de la supériorité de la trithérapie comportant le saquinavir par rapport à une bithérapie par analogues nucléosidiques fin 1997 (essai SV 14604). Le bénéfice clinique sur la morbi-mortalité était majeur : dans l'essai pivot d'enregistrement, la bithérapie par saquinavir + ddC réduisait de 72 % la mortalité des patients prétraités par l'AZT.
Combinaison de deux inhibiteurs de protéase
Un an après l'arrivée sur le marché du saquinavir, les premiers résultats d'une combinaison de deux IP (saquinavir + ritonavir) étaient obtenus chez des patients naïfs de tout IP. L'efficacité virologique de l'association était nette (- 3 log de réduction de la charge virale plasmatique), mais deux problèmes se posaient : certains patients n'étaient pas répondeurs et des mutations apparaissaient sous la pression de sélection du ritonavir. Il restait, par conséquent, à trouver la meilleure combinaison de doses (dose-ranging) capable d'apporter un renforcement thérapeutique sans avoir les inconvénients d'une bithérapie par IP à pleine dose. La poursuite des recherches revient entièrement à un groupe d'experts français, cliniciens, virologues (J. Leibowitch) et pharmacologues, soutenu par Produits Roche France.
« Baby-doses » de ritonavir
Après un essai encourageant chez des volontaires sains, l'association invirase + « baby-doses » de ritonavir confirmait son efficacité et sa bonne tolérance chez les malades : de petites doses de ritonavir (100 mg x 2/j) permettaient d'augmenter considérablement les concentrations plasmatiques de saquinavir. L'originalité de cette combinaison thérapeutique de deux IP consistait à employer le ritonavir non pas pour ses propriétés antivirales, mais pour ses capacités à inhiber le cytochrome p450, donc comme agent pharmacologique.
Depuis la première présentation des résultats sur volontaires sains au congrès mondial du SIDA en juin 1998, la Communauté scientifique internationale a largement légitimé la découverte pharmacologique française et le concept de « boost » a été développé avec d'autres IP. En France, le dernier rapport « Delfraissy » sur les recommandations thérapeutiques (décembre 2000) reconnaît d'ailleurs pleinement l'intérêt de l'association ritonavir (100 mg x 2/j) + saquinavir (800 mg x 2/j).
La prochaine étape du développement pharmacologique de Roche porte sur la nouvelle classe des inhibiteurs de la fusion, un produit devrait être mis sur le marché en 2003.
Conférence de presse Produits Roche, Paris.
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