Au 11e Congrès de l'ECMID

Résistance bactérienne : un gradient nord-sud parallèle à la consommation d'antibiotiques

Publié le 03/04/2001
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De notre envoyée spéciale
à Istanbul

D EVANT la recrudescence des résistances bactériennes aux antibiotiques en Europe, un groupe d'infectiologues a proposé, en 1998, la mise en place d'un réseau centralisé de surveillance (EARSS, European Antimicrobial Resistance Surveillance System), dans le but de standardiser les données se rapportant à ce problème émergent.

En 1999, les experts ont pu analyser des données provenant de quatorze pays (majoritairement issus de l'Union européenne), et ils se sont attachés à parfaire le système de recueil des informations auprès des laboratoires d'infectiologie. Ces laboratoires s'engageaient à signaler à l'unité centralisatrice tous les cas de mise en évidence de souches de staphylocoques résistants à la méticilline (MRAS) et de pneumocoques non sensibles à la pénicilline (PNSP).
« Globalement, entre 1999 et 2000, quatre cent dix laboratoires présents dans dix-huit pays - en 2000, certains Etats de l'Europe de l'Est ont rejoint le réseau - ont détecté 6 886 souches de pneumocoques résistants, et 11 264 souches de staphylocoques dorés insensibles à la méticilline », rapporte le Dr Stef Bronzwaer (Gotingen, Pays-Bas), le coordinateur du réseau EARSS. Ce chiffre, obtenu sur la base du volontariat des laboratoires d'infectiologie contactés, correspond à une estimation du taux des résistances sur 61 % de la population (de 30 % en Grande-Bretagne à 100 % en Islande). « Si 57 % des souches de pneumocoques et 60 % des staphylocoques résistants ont été détectés sur des patients de sexe masculin, statistiquement, ces chiffres ne confèrent pas aux hommes un risque majoré par rapport aux femmes », souligne le Dr Bronzwaer.

Quatre facteurs de risque

En revanche, quatre facteurs de risque ont été clairement identifiés : certains centres hospitaliers, les séjours en unité de soins intensifs, l'âge supérieur à 65 ans, enfin, le pays (le risque étant majoré dans les pays d'Europe du Sud par rapport à la Scandinavie). Les investigateurs ont procédé à une analyse des cas selon l'âge de survenue de chacun des deux types d'infections, qu'elles soient ou non liées à des souches résistantes. Pour le pneumocoque, l'incidence des cas suit une courbe en U (pic après 65 ans et à un moindre degré avant cinq ans) ; l'incidence des atteintes liées à des souches résistantes suit une courbe similaire avec, dans ce cas, un pic chez les plus jeunes. Pour les investigateurs, cette dernière donnée doit inciter à une majoration de la collaboration entre infectiologues de laboratoires et médecins praticiens (pédiatres et médecins généralistes), à des campagnes d'éducation parentale au bon usage des antibiotiques et à la vaccination des plus jeunes par des vaccins antipneumococciques atténués multivalents.
Pour le staphylocoque doré, l'incidence a été la plus élevée chez les plus de 65 ans alors qu'elle reste faible dans les autres tranches d'âge.
En 2000, les experts de l'EARSS ont pu, pour la première fois, corréler ces données avec la consommation d'antibiotiques selon les pays concernés. « Les plus grands consommateurs de bêtalactamines et de macrolides - globalement les pays du sud de l'Europe - sont ceux où le taux de résistance des pneumocoques aux antibiotiques sont les plus élevés », poursuit le Dr Bronzwaer.

Et maintenant, E. coli et les entérocoques

Les actions de recueil de données qui devraient maintenant concerner les E. coli et les entérocoques, tant au niveau des laboratoires d'infectiologie qu'à l'échelle des fabricants d'antibiotiques, seront poursuivies au cours des prochaines années, afin de mettre en place des protocoles d'optimisation de l'utilisation des molécules antibactériennes et des vaccins, afin de limiter, tant que faire se peut, l'émergence de nouvelles souches résistantes.
« Il faut souhaiter que la France collabore activement à ce travail car, jusqu'à présent, les données en provenance de ce pays n'ont pu être exploitables », dit au « Quotidien » le Dr Bronzwaer.

Istanbul. 11e ECMID (European Congress of Clinical Microbiology and Infectious Diseases). « EARSS Activities and Latest Results », une communication du Dr Stef Bronzwaer.

Dr Isabelle CATALA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6891