« Dans une de ses “ Lettres intimes ” qui vont paraître en volume, Gambetta raconte à son père comment il perdit son œil droit, énucléation sur laquelle on devait faire, plus tard, courir tant de légendes (1).
“ J’ai été, lui écrit-il, très malade des deux yeux ; mon œil malade s’était décomposé et exerçait une influence très nuisible sur le bon ; après m’être très sérieusement consulté, grâce à mon ami, le Docteur Fieuzal, j’ai été mis en rapport avec un éminent oculiste, le Docteur de Wecker qui m’a extirpé l’œil droit et me remettra un œil artificiel que j’ai déjà essayé et qui me va au point de faire illusion.
“ Je serai donc, à l’avenir, à l’abri de toute maladie et mon œil gauche conservera toute sa force.
“ Mais je suis condamné au repos le plus absolu encore pour un grand mois ; tu dois comprendre qu’en cet état, privé de travail à l’époque la plus laborieuse de l’année, mes ressources s’épuisent rapidement. J’ai à faire face à toutes mes dépenses ordinaires et à cause de l’Exposition, la vie est hors de prix ; en outre, mon œil artificiel, dont il faut faire un modèle, me coûtera à peu près neuf cents francs ; sans compter un cadeau considérable que je serai dans l’obligation de faire à mon docteur, qui ne veut pas d’argent. ”
Que devint l’œil énucléé ? L“Écho de Paris ”, qui se prétend bien informé, croit savoir qu’il est passé… en Amérique :
“ Un élève de l’oculiste De Wecker, qui assistait son maître dans l’opération, recueillit l’œil de l’avocat déjà réputé qu’était Léon Gambetta, et le conserva précieusement dans un bocal.
“ Les années passèrent et Gambetta devint l’illustre homme d’État que l’on sait. L’élève de De Wecker, devenu à son tour oculiste apprécié, montra l’œil du tribun, et cette étrange et sanglante dépouille chirurgicale excita la convoitise d’un Américain richissime qui l’acheta fort cher.
“ L’œil de Gambetta est donc en Amérique, toujours inclus dans un petit bocal. Mais la famille du grand homme s’occupa de négocier avec le possesseur de cette relique, qu’elle voudrait racheter. Au jour prochain du transfert des cendres de Gambetta, dans le caveau que prépare la ville de Nice, l’Amérique nous aura sans doute rendu cet objet de collection… un peu macabre vraiment… ”
C’est la première fois, qu’à notre connaissance du moins, est mise en circulation cette histoire. Jusqu’alors, nous pensions que l’œil du tribun se trouvait en Allemagne… Qu’importe, au surplus, qu’il soit en Amérique ou en Allemagne ? Qu’on le restitue ou qu’on le conserve ? En voudrait-on faire une relique ? Nos maîtres du jour, qui ne croient à rien qu’à leur toute-puissance, nous obligeraient-ils à la révérer ? La farce serait bouffonne ! »
(1) On dit, en effet, que l’enfant s’était volontairement crevé l’œil droit d’un coup de canif alors qu’il était pensionnaire pour contraindre sa famille à le retirer d’entre les mains des ecclésiastiques. La vérité est tout autre. Elle se trouve dans un écrit de M. Paul Armand, que M. Otto Friedrich a découvert dans la bibliothèque de Cahors. M. Armand, qui avait été compagnon d’enfance et de jeunesse de Gambetta, rapporte que Léon Gambetta allait passer toutes ses vacances à Cahors auprès de son père. À côté de la boutique paternelle, le coutelier Galtié avait son échoppe. L’enfant était constamment dans cet atelier. Or, un jour qu’un ouvrier perçait un trou dans le manche d’un couteau avec un foret d’acier mis en mouvement par une sorte d’archet, la tige d’acier vint à casser et l’un des fragments frappa l’œil droit de l’enfant. Léon Gambetta fut borgne désormais. Aussi ses camarades l’appelaient-ils Coclès. Il a gardé ainsi son œil proéminent jusqu’à 1867. Comme alors il y eut à craindre que, par suite du mauvais état de l’œil droit, l’œil gauche ne fût , lui aussi, compromis, sur les conseils de son camarade et ami, le Docteur Fieuzal, Léon Gambetta, alors étudiant, s’adressa à un oculiste bien connu, le Docteur de Wecker, qui procéda à l’ablation de l’œil malade et le remplaça par un œil de verre.
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