Dr Pierre-Antoine Juge, hôpital Bichat (Paris)

Quand la polyarthrite rhumatoïde frappe aux poumons

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Publié le 08/04/2019
Dr Juge

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Crédit photo : www.mdedge.com

Connait-on la prévalence des atteintes pulmonaires au cours de la polyarthrite rhumatoïde (PR) ?

En l’absence de scanner haute définition, on a longtemps méconnu l’atteinte pulmonaire du fait de la longue phase asymptomatique, les manifestations cliniques ne concernant que 10 % des patients atteints de PR. Par contre, la réalisation de scanners systématiques peut retrouver jusqu’à 60 % d’atteintes interstitielles, un taux certainement surestimé et qui se situe plus vraisemblablement autour de 30 à 50 %. Il n’existe pas actuellement de recommandations pour un dépistage systématique par scanner. En sa faveur, le mauvais pronostic de l’atteinte pulmonaire avec une survie estimée de 3 à 5 ans à partir de l’apparition des signes cliniques, les incertitudes sur son évolution qui concerne un patient sur deux mais dont on ne connaît pas les déterminants. Un scanner initial permettrait de rechercher des lésions infracliniques pour une meilleure gestion notamment des traitements. Dans un peu moins de 10 % des cas, l’atteinte interstitielle précède les lésions articulaires et c’est le bilan réalisé à la recherche d’une pathologie auto-immune qui met en évidence la PR.

Quelles sont les caractéristiques de ces lésions pulmonaires ?

Elles peuvent concerner aussi bien l'arbre bronchique que la plèvre ou le parenchyme pulmonaire, mais c’est surtout l’atteinte interstitielle qui focalise l’intérêt en raison de sa gravité. On retrouve principalement un aspect de PINS (Pneumopathie Interstitielle Non Spécifique) avec un infiltrat lymphocytaire inflammatoire ou de PIC (Pneumopathie Idiopathique Commune) avec fibrose et destruction parenchymateuses, mais contrairement aux atteintes pulmonaires des autres connectivites où prédomine la PINS, on retrouve dans la PR 50 % de PIC et 40 % de PINS.

Une étude récente montre des similitudes génétiques entre la pneumopathie interstitielle de la PR et la FPI. Quelles sont ses implications ?

La protéine MUC5B est surexprimée dans les FP liées aux maladies auto immunes. Un variant gain de fonction du gène MUC5B est surreprésenté dans la FPI. On a retrouvé une fréquence de ce variant chez les patients présentant une atteinte interstitielle associée à la PR similaire à celle observée chez les patients atteints de FPI. Il est associé à un risque multiplié par 3 de développer une atteinte pulmonaire de la PR à type de PIC. Par contre il n’est pas surreprésenté dans la PR sans lésions pulmonaires. On pourrait envisager la recherche de ce variant afin d’instaurer une surveillance scannographique chez les personnes porteuses, mais l’intérêt reste à démontrer.

Quelle est la place des traitements antifibrosants ?

Les similitudes histologiques, génétiques et pronostiques entre la FPI et l’atteinte interstitielle de la PR poussent à proposer les deux antifibrosants dont nous disposons actuellement dans la FPI, la pirfenidone et le nintedanib dans les atteintes pulmonaires interstitielles de la PR. Des études sont en cours afin d'évaluer leur intérêt. Les immunosuppresseurs restent intéressants notamment dans les PINS où la composante inflammatoire est importante.

Quel est l'impact des traitements de la PR sur les lésions pulmonaires ?

En l’absence d’étude contrôlée, aucune recommandation ne peut être proposée sur leur prise en charge thérapeutique. Contrairement aux idées reçues le MTX ne serait pas impliqué dans l’apparition d’une atteinte interstitielle chronique mais est responsable de pneumopathies immunoallergiques aiguës. De plus une étude montre que la survie des patients PR atteints de pneumopathie interstitielle traités par MTX serait meilleure. Les experts s’accordent à ne pas contre-indiquer le MTX tant que l’atteinte pulmonaire n’est pas trop étendue.

Aucune donnée ne permet de connaître exactement l’impact des biothérapies sur l’atteinte pulmonaire interstitielle. On a décrit une surmortalité chez les patients traités par antiTNF, le rituximab et l'abatacept pourraient potentiellement avoir potentiellement un effet bénéfique à confirmer.

 

Pierre-Antoine Juge, Philippe Dieudé. Pneumopathies interstitielles diffuses au cours de la polyarthrite rhumatoïde. Revue du Rhumatisme Monographies, doi : 10.1016/j.monrhu.2018.04.003
Pierre-Antoine Juge et al. MUC5B Promoter Variant and Rheumatoid Arthritis with Interstitial Lung Disease;N Engl J Med 2018;379:2209-19.

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Bilan Spécialiste