LE QUOTIDIEN - Quelle a été votre réaction après la réunion qui s'est tenue au ministère de la Santé au sujet du contenu du troisième cycle de médecine générale ?
Dr BERNARD GAY - Je suis totalement satisfait de cette rencontre, qui a été une réunion de concertation. Chacun a pu exposer ses propositions avant qu'elles ne soient discutées. Les deux ministères veulent un accord de tous les partenaires, en cherchant les points de convergence et les points de divergence.
Quelles sont ces points de divergence qui sont apparus ?
Tout d'abord, il faut préciser que les points de convergence sont de loin les plus nombreux.
Sur la notion de tutorat notamment,les participants sont assez unanimes. Le principe est que le tuteur suivra l'étudiant depuis le début du diplôme d'Etat spécialisé, c'est-à-dire tout au long du troisième cycle. La fonction sera occupée par un médecin généraliste enseignant. Il est clair que les 52 enseignants en médecine générale dont on dispose actuellement ne pourront pas suivre 2 500 internes en médecine générale.
Un des problèmes à régler est celui du financement de ce tutorat. Comment va-t-on rémunérer ces médecins qui exercent une activité contractuelle à l'université ? Il nous semble que les honoraires pédagogiques versés aux maîtres de stage dans le cadre des stages de six mois pourraient être étendus à cette situation. Cet avis n'est pas partagé par tous. En tout cas, il ne faudrait pas que la réforme achoppe sur ce simple problème financier. C'est une question importante qui devra donc être réglée rapidement.
Le sixième semestre de formation en question
Au-delà de cet aspect administratif et financier, le désaccord semble subsister sur une question de fond, à savoir le contenu du semestre supplémentaire de formation introduit par la loi. Que proposez-vous pour votre part ?
Pour nous, ce sixième semestre doit s'effectuer majoritairement en médecine ambulatoire. Le risque était que ce sixième semestre se transforme en six mois de plus à l'hôpital, ce qui n'a aucun sens dans un pays où la médecine libérale se fait en ambulatoire. Aujourd'hui, les étudiants effectuent un cinquième de leur cursus au cabinet. Si la réforme aboutit à ce que cela ne représente plus qu'un sixième, c'est incohérent. Cela dit, il n'est pas question que le semestre se déroule exclusivement en ambulatoire. On pourrait concevoir que l'étudiant passe quatre mois d'assistanat tutoré, c'est-à-dire au cabinet d'un confrère en tant que remplaçant. Les deux mois restant pourraient être consacrés à la recherche, comme l'a proposé l'ISNAR (Intersyndicat national des résidents), ou dans des lieux de stages différents (PMI, médecine scolaire...), selon l'idée des doyens. Si le futur médecin souhaite exercer dans un service d'urgence, bien sûr il pourrait le faire à l'hôpital pendant ces deux mois.
Les doyens, pour leur part, sont soucieux de diversifier ce sixième semestre en de multiples expériences. Ce n'est pas notre point de vue. Nous craignons que cela aboutisse à un « saucissonnage », qui n'aurait d'autre intérêt que de dire que les étudiants sont passés partout. Le désaccord porte donc sur la répartition du contenu du semestre.
Le principe de l'assistanat tutoré, au cours de ce sixième semestre de formation, a-t-il reçu l'accord de tous ?
Je constate qu'il y a désormais un consensus sur le concept d'assistanat tutoré que nous avons lancé il y a un an. Cela traduit une évolution de plusieurs organisations qui n'étaient pas convaincues au départ. Il reste à donner des garanties au gouvernement ; certains sont en effet inquiets du risque de dérapage. Il ne faudrait pas, en effet, que ce stage serve uniquement à fournir des remplaçants aux médecins installés qui en manquent. Il n'est évidemment pas question de laisser les clés du cabinet à l'étudiant pendant quinze jours et de le laisser se débrouiller tout seul. Ce stage doit avoir un rôle avant tout pédagogique.
Quel sera son contenu ?
A la demande du ministère, nous sommes en train de peaufiner nos propositions sur les modalités de l'assistanat tutoré. Pour en résumer les grandes lignes, disons que le tuteur, qui suit l'étudiant tout au long de son cursus, supervise ce stage et non le médecin chez qui se déroule le stage. Il est le mieux placé, car il connaît le parcours du résident, ses besoins, ses manques et il a suivi une formation au tutorat. Nous nous orientons vers l'idée d'un rendez-vous pédagogique entre le tuteur et le résidant qui ait lieu régulièrement (tous les 8 ou 15 jours), pour analyser les problèmes rencontrés par le résident, les choix qu'il a effectués, les autres solutions qui auraient pu être envisagées. En outre, nous envisageons que les internes en situation d'assistanat tutoré participent au moins une fois par mois à une réunion avec 3 ou 4 autres internes et 2 ou 3 tuteurs.
La procédure de certification
Le diplôme d'études spécialisées en médecine générale fera-t-il l'objet d'une certification ?
Le principe de la validation est admis par tous. Nous avions proposé une procédure de certification, mais devant les réactions hostiles que nous avons rencontrées, nous avons modifié notre projet initial. Le mot certification reste d'actualité ; il n'y aura pas d'épreuve finale, mais une procédure de certification progressive. Pour nous, la validation doit reposer sur l'addition des différentes évaluations faites au cours du cursus (enseignement pratique, enseignement dirigé, rédaction d'un mémoire concernant un travail de recherche effectué au cours du DES). Ce n'est donc pas du tout la porte ouverte à un numerus clausus, comme l'ont craint certains, notre objectif étant « zéro collé ».
Des effectifs d'enseignants supplémentaires en médecine générale sont-ils prévus pour tenir compte de l'allongement d'un semestre de ce troisième cycle ?
Il faut des moyens pour cette réforme, nous en avons tous conscience. On ne peut continuer à assurer avec des associés temporaires. Le ministère assure que la filière va se mettre en place, avec des internes, puis des chefs de clinique, puis des professeurs en médecine générale. Le problème est qu'il faudra dix ans pour y parvenir. Comment faire entre-temps pour faire fonctionner le DES ? Il faut des solutions intermédiaires. Les conseillers se sont engagés à y réfléchir.
Ce projet de réforme tel qu'il se dessine vous paraît-il répondre à l'objectif de revalorisation de la médecine générale ?
Oui, avec l'évolution du deuxième cycle, et cette future maquette du troisième cycle, on formera un médecin généraliste compétent dans tous les soins primaires. Et il sera possible d'avoir une réelle appréciation de ses compétences. Mais le système se met en place. Il y aura certainement des ajustements à effectuer au fil du temps.
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