U NE des complications les plus dangereuses et déconcertantes de la grossesse est la prééclampsie, aussi connue sous le nom de toxémie gravidique ou hypertension gravidique. Ses causes sont inconnues et on ne sait comment la prévenir. Lorsque le pronostic vital est en jeu ou s'il survient une insuffisance rénale, l'ultime « traitement » est l'accouchement.
La prééclampsie est généralement diagnostiquée en fin de grossesse devant une élévation de la TA, une protéinurie, des oedèmes et une coagulopathie de consommation. Certaines femmes s'aggravent et présentent des convulsions (éclampsie). Mais ce ne sont que les symptômes tardifs. Une vasoconstriction existerait dès le début de la grossesse. Au cours de la vraie prééclampsie (c'est-à-dire en l'absence d'HTA ou de maladie rénale surajoutées ou préexistantes), la lésion initiale est une atteinte des cellules endothéliales glomérulaires. La pathogénie n'est pas connue. Des anomalies de la coagulation, des facteurs hormonaux, l'ischémie utéro-placentaire et des mécanismes immunologiques ont été incriminés.
Une prédisposition maternelle
Plusieurs facteurs de risque ont été identifiés : une tendance à l'hypercoagulabilité, l'âge, une grossesse multiple, la primiparité, une HTA avant la grossesse, une prééclampsie antérieure, un diabète et une maladie rénale. Des déficits nutritionnels pourraient aussi élever le risque. Il existe une prédisposition familiale à la prééclampsie. Une prédisposition maternelle a surtout été observée. La prédisposition paternelle est moins sûre, mais elle est suggérée dans une étude sur une population norvégienne.
Esplin et coll. (université d'Utah, Salt Lake City) ont examiné une base de données portant sur plusieurs générations de la population d'Utah. Ils ont ainsi identifié 298 hommes et 237 femmes nés, dans cet Etat, entre 1947 et 1957 d'une grossesse compliquée de prééclampsie.
Pour chaque homme et femme dans ce groupe d'étude, deux sujets témoins, non issus d'une grossesse avec prééclampsie, ont été appariés (selon le sexe, l'âge maternel, l'année de naissance et l'ordre de naissance). Les auteurs ont ensuite identifié la descendance du groupe d'étude : 947 enfants des 298 hommes et 830 enfants des 237 femmes, nés entre 1970 et 1992. Ces enfants ont été appariés à la descendance des sujets témoins (1 973 enfants du groupe des hommes témoins, et 1 658 enfants du groupe des femmes témoins).
Les investigateurs ont constaté que dans le groupe des hommes nés d'une grossesse avec prééclampsie (groupe d'étude masculin), 2,7 % de leurs enfants sont aussi nés d'une grossesse avec prééclampsie, comparés à 1,3 % des enfants dans le groupe des hommes témoins. Ainsi, après divers ajustements (année de naissance de l'enfant, parité maternelle, âge gestationnel de l'enfant au moment de la délivrance), les hommes nés d'une grossesse avec prééclampsie ont deux fois plus de risques d'avoir un enfant issu d'une grossesse avec prééclampsie que les témoins (RR = 2,1 ; IC 95 % : de 1 à 4,3).
Dans le groupe d'étude féminin, 4,7 % des grossesses ont été compliquées de prééclampsie comparés à 1,9 % dans le groupe témoin féminin. Autrement dit, les femmes nées d'une grossesse avec prééclampsie ont trois fois plus de risques d'avoir une grossesse avec prééclampsie que les femmes témoins (RR = 3,3 ; IC 95 % : de 1,5 à 7,5).
En conclusion, des facteurs génétiques paternels et maternels contribuent au développement de la prééclampsie. « Cela étaye l'hypothèse selon laquelle le génotype du foetus contribue au risque global de la prééclampsie », déclarent les investigateurs.
« New England Journal of Medicine », 22 mars 2001, pp. 867 et 925.
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