Pédophilie : le Dr Bertrand Virieux veut alerter la communauté médicale

Cofondateur de l’association la Parole libérée, le Dr Bertrand Virieux, a signé la pétition mise en ligne sur Change.org pour soutenir la démarche du père Pierre Vignon, ce curé du diocèse de Valence qui appelle le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, à donner sa démission. Une pétition qui se réclame des dernières déclarations du pape François sur la pédophilie, à la suite des révélations sur les milliers d’abus commis en Pennsylvanie par 300 prêtres, pendant plusieurs décennies.

Lettres au pape restées sans réponse

Mais le cardiologue lyonnais, qui fut lui-même abusé entre 1978 et 1981 par le père Bernard Preynat (le Quotidien du 15 septembre 2016), a décidé de prendre du champ avec l’affaire dite Barbarin-Preynat. Il a refusé ces derniers jours toutes les sollicitations médiatiques à son sujet et c’est par l’intermédiaire du « Quotidien », au corps médical qu’il souhaite désormais s’adresser.

« Après m’être investi à fond dans le tsunami déclenché par notre association, explique-t-il, j’ai fini par comprendre que la plupart des responsables ecclésiastiques, y compris au sommet du pouvoir religieux, refusaient de prendre la mesure du problème. Englué dans l’affaire du cardinal Pell, en Australie, le pape François n’aurait pas rédigé sa dernière lettre aux catholiques si l’affaire américaine n’était pas sortie. Il assure le minimum syndical. Nous-mêmes, nous lui avons écrit plusieurs fois et nous attendons toujours sa réponse, alors que les archives du diocèse de Lyon n’ont toujours pas été ouvertes, à la différence de celles du diocèse de Pittsburgh. La démission du cardinal Barbarin aurait constitué un acte fort si elle était venue de l’intéressé lui-même, en son temps, mais aujourd’hui elle risquerait d’en faire un martyr et un bouc émissaire, si les procédures judiciaires engagées, de report d’audiences en prescriptions, n’aboutissaient pas. Comme si le Primat des Gaules avait été victime d’une machination ! »

Dans ces conditions, le Dr Virieux a signé la pétition qui a réuni en ce vendredi près de 70 000 signatures, mais, insiste-t-il, « je l’ai fait de manière anonyme ».

« En m’exprimant aujourd’hui dans "le Quotidien", je souhaite intervenir comme médecin, c’est-à-dire en appelant à la priorité de l’attention et des soins qui doivent être accordés aux victimes, qui sont aujourd’hui des patients. Nos patients. Ils sont bien plus nombreux que l’on ne l’imagine. Pas plus tard qu’hier, j’ai reçu un homme de 47 ans atteint de troubles cardiaques et qui fut victime d’un viol alors qu’il était mineur. Dans ses alertes, l’OMS (Organisation mondiale de la santé), estime à un sur cinq la proportion des mineurs qui subissent des abus de la part d’adultes exerçant sur eux une position d’autorité. »

Comme pour le stress post-traumatique des militaires

Pour le cofondateur de la Parole libérée, des avancées législatives ont été obtenues ces dernières années, en particulier en réduisant les délais de prescription judiciaire. « Mais c’est tout un pan de la médecine qu’il convient aujourd’hui de développer pour prendre en charge tous ces patients, aussi bien en libéral que dans les services hospitaliers. De même qu’on a pris conscience de l’épidémiologie en matière de stress post-traumatique chez les militaires, il faut éveiller aujourd’hui la prise de conscience médicale sur les effets à long et très long termes des actes pervers. Tant de personnes sont détruites psychologiquement et psychiatriquement à vie. »

« Dans l’affaire Preynat-Barbarin, j’ai répondu à des centaines d’interviews qui m’étaient demandées parce que j’étais médecin et que je représentais une certaine autorité scientifique. À présent, c’est en ma qualité de praticien que je veux alerter les confrères sur la nécessité de prendre en charge les victimes d’abus, les enfants et les enfants devenus adultes, parfois plusieurs dizaines d’années après les faits. »