C' EST un documentaire de 56 minutes que diffuse France 2, dimanche à 22 h 55. Son titre : « Quand l'Ordre règne. » Son sujet : le fonctionnement de la justice ordinale et, par ricochet, la nature du pouvoir de l'Ordre des médecins. Lequel Ordre, n'ayant pas pu voir ce film avant son passage à la télévision, se refuse pour l'instant à tout commentaire.
Comment les médecins sont-ils jugés par leurs pairs ? Comment les médecins reçoivent-ils et comment traitent-ils les plaintes des malades ? Plutôt mal, estime, dans les deux cas, le réalisateur Richard Vargas. A travers l'exemple de plusieurs affaires instruites par les conseils régionaux de l'Ordre (éventuellement jugées en appel par le Conseil national), en donnant la parole à des médecins condamnés, à des patients, à des avocats, à des conseillers ordinaux, son film dresse un portrait peu flatteur de l'institution.
La « compétence » des médecins érigés en juges, est contestée. Le doute plane sur leur « indépendance » vis-à-vis des syndicats médicaux, des laboratoires pharmaceutiques ou des pouvoirs publics. La transparence des procédures, où la « même institution est chargée de l'enquête, de l'instruction et du jugement », n'apparaît pas comme la vertu principale d'instances qui cultivent « la discrétion ».
« Etouffoir », siège d'un « corporatisme froid » où se manifeste un « non-intérêt pour la médecine en marche », « pouvoir tout puissant qui ne subit aucun contrôle », « garant de rien du tout »... les témoignages s'enchaînent, qui sont loin du panégyrique.
Beau joueur, le Pr Bernard Glorion, président du Conseil national, peut bien accepter les « reproches de frilosité et d'injustice » qui sont faits à la machine qu'il pilote, on l'entend à peine rappeler que l'Ordre « garantit l'indépendance de la profession ».
A l'Ordre, le documentaire de dimanche prochain ne fait pas beaucoup de cadeaux. L'institution « n'aime pas qu'on lui rappelle son passé » ? Le tapis de l'histoire est déroulé : création par une loi édictée sous Vichy, à l'instigation, entre autres de Xavier Vallat, futur commissaire aux questions juives ; suppression en 1943 par une ordonnance du gouvernement provisoire d'Alger ; rétablissement sous le général de Gaulle par une ordonnance du 24 septembre 1945. Dans cet « Ordre numéro 2 », il y a, affirme un historien, des hommes de « l'Ordre numéro 1 », lequel a, par exemple, décrété en août 1941 que 2 % seulement du nombre des médecins exerçant dans un département pouvaient être des médecins juifs.
La réforme par la révolte ?
Sur le fond, la justice ordinale, aux yeux du documentariste, est incapable de se prononcer avec mesure. Prompte et trop sévère à l'encontre de ceux, souvent dénoncés par des confrères, dont la pratique s'écarte « de la norme » - un généraliste radié pour avoir fait de l'activisme anticampagne de vaccination contre l'hépatite B témoigne. Trop lente ou trop laxiste quand il s'agit de donner suite à une plainte de malade - cette fois-ci, c'est l'avocat d'une patiente violée par un anesthésiste alors qu'elle était hospitalisée dans une clinique bordelaise qui accuse : l'Ordre « outrepasse ses compétences ».
Le film prend parti, avec le renfort de professionnels prestigieux (le Pr Bernard Debré, ancien ministre, estime qu'il faut que « l'Ordre intervienne après la justice ordinaire (...) pour accompagner la justice dans les sanctions ou les non-sanctions qui sont prises ») : il faut réformer la justice ordinale. Là pourrait s'arrêter le réquisitoire, puisque la réforme de l'Ordre, prônée depuis plusieurs années par Bernard Glorion et qui devrait aboutir dans la loi de modernisation sanitaire, comporte des dispositions qui vont dans ce sens (représentation des patients aux séances des conseils départementaux, possibilité pour eux de saisir directement la juridiction disciplinaire régionale...). Mais le ménage annoncé ne convainc pas le réalisateur, qui manifestement, préfère penser avec Bernard Debré que la réforme ne se fera « que par la révolte ».
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