" D'un très intéressant article paru dans la Revue historique ardennaise, nous extrayons à l'intention des lecteurs de la Chronique médicale la page suivante qui relate un cas tératologique peu banal :
... C'était une commune pratique, au Moyen Age, de porter aux sanctuaires de la Vierge les enfants morts sans baptême, dans l'espérance qu'ils pourraient y obtenir la régénération chrétienne dont ils étaient privés. Dans ces temps de foi vive et sincère, on croyait que, par l'intercession de la Sainte Vierge, ces enfants étaient rappelés à la vie pour un instant qui permettait de leur donner le baptême ; ils rentraient ensuite dans la mort...
Un chroniqueur contemporain nous apprend par quels signes se manifestait ordinairement le retour à la vie : les signes évidents sont les mouvements des venues des membres, changements de couleur en vermeille, de froidure en chaleur, de nature palle en rougeur, effusion de sng et d'eau, sueur chaude... Et après tel baptesme fait en vertu de tels signes, ces signes disparoissent, retournant les dits enfants en leur estres mortels comme auparavant qu'ils ont été apporté (Del hotel, curé d'Avioth).
Le fait de ce genre que nous allons rappeler n'aurait en lui-même rien d'insolite s'il ne présentait des particularités qui causèrent une vive curiosité et excitèrent la convoitise de quelques médecins.
Le 4 septembre 1664, Pierre Caron, cloutier à Iviers lez-Brunehamel, ayant créance aux miracles qui se font en cette ville (Mézières) dans la chapelle de Notre Dasme de l'Espérance, y fit porter deux filles jumelles mort-nées dont sa femme, Nicole Petifils, était accouchée la veille, dans l'espérance que Dieu les feroit revivre afin qu'elles puissent recevoir le saint sacrement de baptesme. Ces enfants présentaient un cas de tératologie très rare. Sur un corps unique, ils réunissaient deux têtes, quatre bras et quatre jambes; les organes intérieurs étaient doubles, à l'exception du coeur.Comme bien on pense, les curieux vinrent en foule admirer ce phénomène. Les voeux du père furent exaucés car les personnes présentes crurent remarquer chez les enfants des signes de vie assez évidents pour que Gérard Guillaume leur donnât le baptême. Ce retour à la vie n'avait été que momentané et on se disposait à porter en terre sainte le corps de ces enfants lorsque Briancourt, médecin à Charleville, obtint par surprise que leur dépouille mortelle lui fût remise par la personne qui en avait la garde.
Il la fit porter dans une maison particulière et le chirurgien Jean Depresle en fit l'autopsie, après que deux dessinateurs en eurent pris un croquis. Michel Tiratelle, autre chirurgien qui assistait à l'autopsie, vit dans ce phénomène une occasion de lucre. Il emporta le cadavre chez lui et fit annoncer par la ville que les curieux pourraient le contempler moyennant un sou par spectateur. Cette réclame éhontée causa un si grand scandale que le consul de Charleville dut l'interdire.
Lorsque Pierre Caron fut informé de la profanation que l'on faisait du corps de ses enfants, il en éprouva une profonde indignation et se mit en quête de le réclamer. Briancourt, à qui il s'adressa, lui répondit par des gasconnades et refusa d'écouter ses justes réclamations. Le malheureux père n'eut d'autre expédient pour se faire rendre justice que de s'adresser au bailli de Mézières. Celui-ci accueillit la plainte du père et fit une enquête qui révéla les faits que nous venons de rapporter.
Nous doutons fort que la justice ait pu atteindre les coupables car les médecins incriminés proclament cyniquement que la justice royale ne pourra les toucher, attendu qu'ils habitent la terre souveraine de Charleville et qu'ils ne reconnaissent d'autre juridiction que celle de leur seigneur qui est le duc de Mantoue. Le privilège était bien connu des criminels et ceux qui avaient des démêlés avec la justice de leur pays s'empressaient de se réfugier sur le territoire de la principauté qui leur accordait un refuge assuré et le droit de bourgeoisie. "
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature