Beaucoup d’entre vous songent aux vacances ou y sont déjà. Alors, prenons, nous aussi, l’air du large et évoquons le mythique commandant Charcot, explorateur des zones polaires mais aussi médecin, fils de Jean-Martin Charcot, fondateur de la neurologie moderne et précurseur de la psychopathologie.
L’amour de la mer dès l’enfance
Jean-Baptiste Charcot, dès son enfance passée à Neuilly-sur-Seine, est attiré par la mer écrivant alors qu’il est pensionnaire à l’École Alsacienne une petite nouvelle pour un journal illustré narrant les aventures d’un trois-mâts perdu dans les glaces au large de la Patagonie. Si fort soit son amour pour les bateaux, Jean-Baptiste Charcot doit céder à son père, inflexible, qui a décidé qu’il serait médecin. Élève moyen, n’ayant obtenu pour tout prix que celui de la bonne camaraderie, se résigne et il ne lui reste que les vacances à Ouistreham, dans le Calvados, pour satisfaire à sa passion, initié à la voile par les pêcheurs locaux. Sportif accompli, surnommé le « poumon fort », il pratique aussi avec bonheur la boxe et l’escrime et est l’un des premiers à jouer au rugby qui vient de faire son apparition en France. Il fait aussi de nombreux voyages avec son père dans le nord de l’Europe, visitant les îles Shetland et Féroé ainsi que l’Islande et en revient enthousiasmé. En revanche, il apprécie peu ses séjours en Espagne et au Maroc, le climat trop chaud ne lui convenant pas.
[[asset:image:6376 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Après avoir effectué son service militaire comme médecin auxiliaire dans les chasseurs alpins, Jean-Baptiste Charcot est reçu en 1891 quatrième au concours d’internat et va désormais travailler avec son père avec lequel il effectue un voyage en Russie.
Une thèse de doctorat sur « l’atrophie musculaire progressive »
En 1892, Charcot fait l’acquisition d’un petit sloop de 8,60 m, « Courlis » avec lequel il apprend à régater. L’année suivante, son père, Jean-Martin, meurt d’un œdème du poumon. Relation de cause à effet ? Jean-Baptiste va désormais laisser son rêve d’enfant prendre le pas sur sa réalité d’interne à la Salpêtrière. Avec l’argent hérité de son père, il fait armer son premier « Pourquoi-Pas ? », un cotre de 19,50 m avec lequel il fait une croisière de deux semaines. Ces activités marines n’empêchent pas néanmoins Charcot de soutenir en 1895 sa thèse de doctorat consacrée à « l’atrophie musculaire progressive ». Dans le même temps il devient champion de France de rugby, au poste de pilier droit, avec l’équipe de l’Olympique formée de dissidents du Racing Club de France et d’élèves du lycée Michelet de Vanves. Après avoir épousé Jeanne Hugo, petite-fille de l’auteur des « Misérables » va faire construire des bateaux de plus en plus grands et au « Pourquoi-Pas ? II », goélette en bois de 26 m va succéder en 1897 le « Pourquoi-Pas ? III » , goélette en fer de 31 m équipée aussi d’un moteur à vapeur.
Médaillé en voile aux Jeux Olympiques de Londres
En 1898, malgré sa phobie des pays chauds, Charcot va entreprendre une remontée du Nil jusqu’à Assouan en compagnie du milliardaire Vanderbilt. Mais désormais l’avenir de Jean-Baptiste Charcot, qui ne perd pas le Nord, va se situer dans les mers glacées. Ce qui ne l’empêche pas, en 1900, d’être médaillé d’argent en voile aux Jeux Olympiques de Londres.
En 1902, Charcot franchit ainsi pour la première fois le cercle polaire arctique. Il est désormais aussi officier de marine grâce à l’intervention du beau-père de sa femme, Edouard Lockroy.
La première expédition française en Antarctique
L’année suivante, désireux de monter la première expédition française en Antarctique, il fait construire à Saint-Malo un trois-mâts goélette de 32 m, 245 tonneaux à vide, « Le Français ». Après sa mise à l’eau, le trois-mâts va aller hiverner sous le vent de l’île Wandel. Le 4 mars 1905, Charcot et ses hommes peuvent repartir le devoir accompli : 1 000 km de côtes découvertes et relevées, 3 cartes marines détaillées, 75 caisses d'observations, de notes, de mesures et de collections destinées au Muséum d’Histoire naturelle.Mais, sur le chemin du retour, Charcot doit abandonner son navire après un « talonnage sur un récif à fleur d’eau » et le revend à la marine argentine.
[[asset:image:6386 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Rentré en France à bord d’un navire de ligne, Charcot apprend que sa femme a obtenu le divorce pour… abandon du domicile conjugal ! Il se remarie presque aussitôt, en 1907, avec une artiste-peintre, Marguerite Clery, qui a le pied bien plus marin que Jeanne Hugo et qui l’accompagnera dans presque toutes ses expéditions. À commencer par celle qu’il entreprend en août 1908 avec son « Pourquoi-Pas ? IV », navire toujours plus imposant dont le parrain est Paul Doumer, trois-mâts barque long de 40 m, équipé d'un moteur de 550 chevaux et comportant trois laboratoires et une bibliothèque. La moisson de cette deuxième expédition polaire, après un hivernage à l’île Petermann et avoir atteint la terre Alexandra et l’île qui portera désormais son nom (Terre de Charcot) est encore fructueuse : mesures océanographiques (salinité, sondage), relevés de météorologie, une étude des marées, relevé cartographique de 2 000 km de côtes, étude du magnétisme, des collections de zoologie et de botanique confiées au Muséum et à l'Institut Océanographique de Monaco. Charcot rentre de ce périple comblé mais épuisé, victime du scorbut. Il participe néanmoins en 1911 à une campagne océanographique en Manche et l’année suivante, il est origine avec Nicolas Benoît de la création des Eclaireurs de France, l’un des deux premiers mouvements de scoutisme à être apparu en France. Parallèlement, le « Pourquoi-pas ? IV » devient navire-école de la marine.
Lutte contre les sous-marins en 14-18
Après avoir été mobilisé comme médecin de marine de première classe au début de la Première Guerre mondiale et affecté à l’hôpital de Cherbourg, Charcot va obtenir de l’Amirauté britannique, en juillet 1915, le commandement d’un navire spécialement équipé contre la lutte contre les sous-marins. En 1916, de retour en France il obtient du ministère de la Marine la construction de trois cargos-pièges où s’embarqueront des équipages déguisés en marins de commerce qui feront la chasse aux sous-marins. Embarqué à bord de l’un d’eux, « La Meg », Charcot va sillonner la mer au large des côtes normandes et bretonnes jusqu’à la fin de la guerre.
[[asset:image:6396 {"mode":"small","align":"center","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]][[asset:image:6391 {"mode":"small","align":"center","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]
À la recherche d’Admundsen
Charcot, qui obtiendra le grade de capitaine de frégate en 1923, effectue le conflit terminé toute une série de missions scientifiques (plus particulièrement de lithologie et de géologie sous-marine) jusqu’en 1925 dans le Golfe de Gascogne et en Manche, mais aussi dans l’Atlantique Nord, aux Iles Féroé et en Méditerranée, En 1925, atteint par la limite d’âge, Charcot doit céder le commandement de son navire, mais il reste à bord comme chef des missions océanographiques. Après avoir exploré la côte orientale du Groenland en 1926, va participer en 1928 à la recherche de l’hydravion à bord duquel se trouvait une autre légende, le Norvégien Roald Admundsen, le premier homme à avoir atteint le Pôle Sud. Charcot est aussi comblé d’honneurs, élu à l’Académie des Sciences en 1926, prix Albert de Monaco en 1928 et reçu au bureau des longitudes et à l’Académie de Marine en 1929.
Durant l’été 1934, Charcot va convoyer au Groenland la mission ethnographique dirigée par Paul-Émile Victor, qui séjourne pendant un an à Angmagsalik pour vivre au milieu d'une population d'eskimo. En septembre de cette même année, il co-fonde, avec le Muséum national d'histoire naturelle, l'Aquarium et musée de la mer de Dinard.
VIDEO : Le retour des corps et les obsèques nationales de Charcot
Naufrage au large de l’Islande
En 1936, Charcot prépare ce qu’il pense être son dernier voyage afin d’aller livrer à Paul-Emile Victor, qui vient de traverser l’inlandsis en 50 jours, du matériel scientifique au Groenland. Mais son moral n’est pas au beau fixe : « "Le Pourquoi-Pas ? IV" est vieux, moi aussi, et puis, surtout, tout le monde s’en fout », maugrée-t-il avant de s’embarquer. Il accomplit néanmoins sa mission et se prépare à rentrer en France, après avoir fait une escale à Reykjavik le 3 septembre pour réparer une chaudière. Le voyage va tragiquement s’interrompre le 16 septembre 1936, le bateau pris dans une violente tempête cyclonique qui va durer plus de douze heures finissant par se briser sur les récifs d’Alftanes, au large de l’Islande. 23 personnes vont périr lors de ce naufrage et 17 portées disparues. Un seul homme va échapper à la mort, le maître timonier Eugène Gonidec, surnommé « Pingouin ». Celui-ci racontera par la suite, comment Charcot, fidèle aux traditions de la marine, est demeuré à bord de son bateau après avoir libéré la mouette Rita, mascotte du bord, se laissant couler dans les flots, en compagnie du commandant Le Conniat et du maître pilote Floury.
[[asset:image:6411 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Le corps de Charcot fut repêché et après qu’il ait été rapatrié à Saint-Malo, port d’attache du « Pourquoi-Pas ? IV », des funérailles nationales sont faites à Charcot le 12 octobre 1936 en présence du président Lebrun. « The Polar gentleman », comme l’appelait Scott, encore une figure mythique des expéditions polaires, méritait bien ça.
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