« Le Vidal de maintenant n’a plus grand-chose à voir avec celui des années 1970. » Le Pr Bergmann (chef du département de médecine interne à l'hôpital Lariboisière à Paris) en témoigne : au cours de des dernières décennies, l’arsenal thérapeutique s’est considérablement modifié et « mis à part un socle de médicaments immortels datant des années 1930 à 1950 comme les corticoïdes, l’insuline, le furosémide ou encore la pénicilline, les médicaments actuels sont pour l’essentiel apparus au cours de ces 40 dernières années », résume l’ancien vice-président de la commission d’AMM de l’ANSM.
Certains ont radicalement transformé le pronostic des patients comme les antiprotéases dont l’arrivée en 1996 a fait passer l’infection VIH du statut de maladie mortelle à celui de pathologie chronique. Ou dans une moindre mesure, comme les IEC, dont la mise à disposition en 1981 a permis pour la première fois de réduire de façon significative la mortalité de l’insuffisance cardiaque. D’autres ont changé les modes de prise en charge comme les IRS qui ont fait de la dépression une pathologie ambulatoire ou les IPP qui, associé à l’éradication d’H. Pylori, ont contribué à sortir l’ulcère gastroduodénal du domaine chirurgical. Certains enfin ont posé les bases de la prévention CV comme les statines apparues en 1988.
Des outils d’évaluation performants
Mais pour le Pr Bergmann, plus que la multiplication des molécules, « le vrai progrès par rapport à il y a 40 ans est que l’on sait désormais distinguer les bons médicaments des mauvais, avec des outils d’évaluation incroyablement fiables et performants ». Jusque dans les années 1970, l’utilisation et la mise à disposition d’un médicament reposait essentiellement sur l’extrapolation de ses propriétés pharmacologiques, l’observation clinique empirique et l’avis isolé d’experts. Les autorisations de mise sur le marché étaient purement administratives. Avec, à la clé, une pharmacopée parfois « fantaisiste ».
« Quand j’ai commencé mon externat en 1975, l’hydergine était le médicament le plus prescrit », se souvient le Pr Bergmann. Depuis la donne a changé. Mais il aura fallu attendre le drame de la thalidomide pour que l’idée d’une évaluation systématique de l’efficacité et de la toxicité du médicament prenne corps et aboutisse en 1978 à la création de la première commission d’AMM.
Grand ménage
En 1993, la naissance de la première Agence du médicament portée par Didier Tabuteau enfonce le clou et viendra faire le « grand ménage ». Les essais cliniques deviennent la règle et vont permettre à la fois d’asseoir l’intérêt et la sécurité des nouveaux médicaments mais aussi de revenir sur certaines idées reçues. En 1991, l’étude Cast jette ainsi un pavé dans la mare en montrant que l'extrapolation d'un bénéfice clinique à partir des mécanismes d'action peut être pris en défaut. Dans cette étude, la Flécaïne qui a déjà fait la preuve de son intérêt dans l’arythmie ventriculaire est testée dans les extrasystoles post-infarctus. Tous les indicateurs sont au vert pour laisser espérer un bénéfice net dans cette pathologie. Mais c’est en fait l’inverse qui est démontré avec plus de morts sous Flécaïne® que sous placebo.
A contrario, d’autres essais vont venir réhabiliter certains médicaments injustement écartés. Comme les bêta- bloquants longtemps bannis de l’insuffisance cardiaque puis, au contraire, largement recommandés dans cette pathologie après la révélation des études Cibis dans les années 1990. Autant d’évolutions qui signent la fin de le l’empirisme thérapeutique qui a prévalu jusque-là…
La recherche suit le même mouvement. Exception faite de la ciclosporine rapportée « par hasard » de Scandinavie par un scientifique amateur de champignons, la découverte fortuite d’une molécule devient rarissime. Elle cède la place à des processus de développement de plus en plus complexes, axés sur une compréhension plus fine des mécanismes physiopathologiques.
L’arrivée des anti-TNF en 1998 consacre le passage à l’ère des biothérapies et des anticorps monoclonaux. La cancérologie suit le mouvement avec, en 2001, l’arrivée du Glivec, première thérapie ciblée orale du cancer. Enfin, la thérapie génique se profile portée par le décryptage complet du génome en 2003.
Les dates clés
› 1981. Premiers IEC.
› 1988. Introduction en France de la première statine (simvastatine).
› 1989. Mise sur le marché des IPP et des IRS.
› 1993. Création de l’Agence française du médicament.
› 1996. Avènement des antiprotéases et de la trithérapie dans le SIDA.
› 1998. Arrivée des anti-TNF alpha.
› 2001. Premières thérapies ciblées orales du cancer avec l’arrivée du Glivec.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature