"En septembre 2018, j'ai écrit un courrier au directeur de la DGS pour souligner le manque de masques et d'antiviraux et le besoin d'une doctrine de l'Etat en matière d'urgence sanitaire", explique François Bourdillon, ancien patron de l'Agence Santé publique France de 2016 à juin 2019 convoqué le 17 juin par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la gestion de la crise du coronavirus. L'objectif de ce courrier était non seulement de souligner l'absence de clarté de la nouvelle doctrine des stocks (qui aurait été ordonnée par le ministère de Xavier Bertrand), mais aussi d'en évaluer le stock : en 2017 il était alors de 99 millions de masques dont 63 millions arrivaient à péremption en 2019 et 30 millions en 2020. Fin octobre, le directeur de la DGS, Jérôme Salomon, répond à ce courrier pour demander une commande de 100 millions de masques "si les moyens financiers le permettent et une demande de destruction de masques acquis dans les années 2000."
Pour rappel, un rapport de Jean-Paul Stahl (infectiologue) de 2018 avait préconisé un stock de masques de 1 milliard pour lutter contre une pandémie éventuelle : une boîte de 50 masques par foyer comprenant une personne malade, soit 20 millions de foyer en cas d'atteinte de 30 % de la population. Selon François Bourdillon, la question récurrente porte sur la question de la doctrine hospitalière qui n'a pas été clairement définie et qui aurait permis d'acheter des stocks de masques. A sa connaissance, aucune instruction en ce sens n'a été donnée par la DGS.
Un jour plus tôt, le directeur général de la Santé (DGS), Jérôme Salomon, beaucoup plus à son aise que M. Bourdillon parfois hésitant dans ses propos, était interrogé... Comme une réponse à François Bourdillon, le directeur de la DGS a reconnu une évolution importante de la politique menée autour du stock stratégique de masques dans les années 2010 : plusieurs experts du HCSP, de la HAS et de la DGS ont ainsi estimé que les masques FFP2 devaient être réservés aux soignants les plus à risques face à des patients en intubation par exemple. Par ailleurs, les chirurgicaux devaient être les masques recours pour les soignants. D'où la prise de décision de réduire peu à peu le nombre de masques FFP2 et de conserver un stock de masques chirurgicaux (730 à 750 000 de 2013 à 2017, période durant laquelle M. Salomon travaillait au cabinet de Mme Marisol Touraine). En 2017, le DG de la santé d'alors demande un état des stocks réalisé aussitôt par une société d'expertise qui a constaté un nombre important de masques défectueux. Suite à cette évaluation est décidée une commande de 100 millions de masques chirurgicaux, avec l'optique de faire tourner ce stock de manière active.
Rappel historique des faits par le directeur de la DGS : en janvier 2020, la France disposait d'un stock stratégique d'Etat de 115 millions de masques chirurgicaux. 75 millions de masques 2019 mais conformes à la réglementation supplémentaires ont été réintégrés au stock. Enfin, 362 millions de masques chirurgicaux sans date de péremption et utilisables ont été achétés en 2003-2005, parmi lesquels 141 millions ont été distribués. "Aujourd'hui, pour faire face à un éventuel rebond de l'épidémie, 3,7 milliards de masques ont été commandés, parmi lesquels déjà 770 millions ont été distribués, ainsi que 687 millions de masques chirurgicaux, 7 millions de masques pédiatriques et 78 millions de masques FFP2." Le 30 janvier, ont été commandés 1,2 million de FFP2, puis le 7 février, 28,7 millions de masques FFP2. "Les acteurs nationaux y ont grandement contribué ainsi qu'un vaste pont aérien a été mis en place", a argumenté Jérôme Salomon pour qui "la consommation hebdomadaire de masques à l'hôpital se situe entre 3 et 5 millions de masques. Durant la crise, elle a explosé, passant à 20 puis 40 puis 50 millions de masques par semaine."
* Nommé à la tête de la DGS en janvier 2018.
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