L ORSQUE, en avril 1999, une femme de 27 ans arrive aux urgences d'un hôpital universitaire allemand, elle raconte qu'elle vient d'avaler sa brosse à dents. Comment cela s'est-il produit ? Elle explique qu'elle a glissé sur le sol mouillé de sa salle de bains, d'où un faux mouvement de sa main qui brossait et engloutissement de la brosse à dents.
Apparemment, cette jeune femme mince (indice de masse corporelle à 22) va parfaitement bien : elle n'a pas mal, n'a pas de dysphagie, pas de dyspnée et l'examen clinique est normal. On lui fait un cliché thoracique qui montre que la brosse à dents se projette au niveau de l'œsophage distal. On est frappé par le fait que la brosse à dents est tête en haut, ce qui est incompatible avec ce qu'a raconté la patiente. Mais pour l'instant, le problème n'est pas là ; il faut d'abord retirer l'objet. Ce que l'on fait, sans difficulté, sous endoscopie.
Ensuite seulement, on réinterroge la patiente sur les circonstances de l'« accident ». Alors, elle raconte la vérité : elle n'était pas en train de se brosser les dents mais d'essayer de se faire vomir, et sa brosse à dents, profondément enfoncée par le manche dans la gorge, lui a échappé des mains. Elle explique que, depuis trois ans, surtout quand elle a des problèmes avec son petit ami, elle a des pulsions alimentaires et qu'elle se fait vomir après avoir dévoré. Et d'ailleurs, un an auparavant, elle a déjà avalé une brosse à dents qui lui a été retirée par endoscopie. A l'occasion de ce premier épisode, on ne l'avait pas interrogée et on n'avait donc pas posé le diagnostic de troubles du comportement alimentaire. Elle accepte de voir un psychiatre : celui-ci porte le diagnostic de boulimie. On lui propose un soutien psychologique mais elle le refuse et quitte d'elle-même l'hôpital.
Elle est recontactée en février 2001 : sa boulimie ne l'a pas quittée, elle ne se fait toujours pas traiter, mais sa relation amoureuse est maintenant plus stable et elle veut regarder sa maladie en face et envisage une aide psychiatrique.
Chez les boulimiques, l'ingestion de corps étrangers est rare. Une recherche sur Medline (années 1988 à 2000) a permis aux auteurs de retrouver onze articles signalant environ quarante ingestions de brosse à dents ; presque tous les patients étaient des femmes de 15 à 23 ans ; la plupart souffraient de boulimie ou d'anorexie mentale ; les brosses à dents étaient retrouvées dans l'œsophage ou dans l'estomac. La radiographie est parlante : on voit les deux rangées de points métalliques sur lesquels sont accrochés les poils de la brosse à dents.
Aucune élimination spontanée par les voies naturelles n'a été décrite ; l'ablation endoscopique est donc recommandée, d'autant que la brosse à dents peut provoquer une nécrose de pression ou une perforation.
Justus Faust et Olivet Schreiner. « Lancet » du 31 mars 2001.
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