M ALADIE réémergente dans le monde, la peste est en recrudescence à Madagascar depuis le début des années 1980. Un rodontologue (spécialiste des rongeurs) de l'institut de recherche pour le développement (IRD), Jean-Marc Duplantier*, a étudié, de 1996 à 2000, les rongeurs qui pouvaient être impliqués dans la transmission de la peste sur l'île.
Ses travaux, effectués dans le cadre d'un programme mené par le ministère de la Santé malgache, l'institut Pasteur de Madagascar et l'IRD, ont permis de déterminer le rôle du rat noir dans la transmission de la maladie. La peste est due à la bactérie Yersinia pestis, transmise par des puces - le vecteur - qui vivent sur des rongeurs sauvages résistants à l'agent infectieux - les réservoirs. A Madagascar, les réservoirs classiques (tels que marmottes d'Asie centrale et chiens de prairie d'Amérique du Nord) n'existent pas et les rongeurs endémiques sont en voie de disparition.
En revanche, bien que le rat noir soit très sensible à la peste, il a envahi tous les milieux. Il représente de 95 à 98 % des captures réalisées en milieu rural, tant dans les champs que dans les maisons. Ses forts taux de reproduction et ses importantes capacités de recolonisation compensent la mortalité due à la peste.
Un suivi mensuel des rongeurs et de leurs puces, pendant deux années consécutives, a mis en évidence le fait que, dans les cultures, les populations de rongeurs chutent brutalement en septembre et sont à leur minimum annuel en octobre et en novembre. Or, c'est à ce moment que l'abondance des puces de rats est maximale. Manquant d'hôtes rongeurs, celles-ci cherchent alors d'autres mammifères pour se nourrir et contaminent ainsi les hommes.
La répartition des séroprévalences par village indique de très fortes disparités à l'échelle régionale, révélant des schémas épidémiologiques spécifiques selon les types de paysages. Lorsque les villages sont éclatés en hameaux isolés dans d'étroites vallées à l'écart des routes, les séroprévalences paraissent souvent inférieures.
A l'intérieur des villages, l'analyse des sérologies a permis d'identifier d'autres facteurs de risque, en particulier le type d'habitat et sa localisation. Les maisons basses au toit de chaume, aux murs en torchis et situées à la périphérie des villages connaissent un risque maximal en entraînant une grande promiscuité entre les hommes et les rats noirs.
Au regard de cette étude, il apparaît que géomorphologie, histoire, environnement, comportements humains et conditions de vie se combinent pour conférer aux lieux leur spécificité épidémiologique. L'identification de ces facteurs biosociaux peut contribuer à affiner les recherches biologiques et médicales et permettre de proposer des actions pour prévenir la diffusion de la maladie.
* Contact : duplant@ensam.inra.fr
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