A CTUELLEMENT, la prise en charge des patients à problèmes d'alcool n'est pas assurée comme elle devrait l'être. « Il existe un déficit de repérage de ces personnes au niveau de la médecine générale », dit au « Quotidien » le Dr Paul Kiritzé-Topor, installé à Beaupréau, dans le Maine-et-Loire, depuis trente ans.
« On peut parler de trou noir sociologique entre les buveurs sur un mode convivial, assimilés à des gens normaux, et les alcoolodépendants. » Or, poursuit en substance le généraliste, la médecine « ne voit » que ces derniers, c'est-à-dire les deux millions d' « accros » qui ont une consommation « hors normes », laissant de côté tous les autres qui, sans être malades, ont des difficultés avec l'alcool. Ils sont 5 millions en France.
12 % des patients de médecine générale ont une consommation à risque
Près de 20 % des patients d'âge adulte fréquentant un omnipraticien ont une « consommation d'alcool problématique ». Parmi eux, 6,5 % sont des « dépendants » et 12 % des buveurs « seulement » excessifs. « Ce sont ceux-là, pas encore sous le joug de la soumission alcoolique, qui doivent attirer l'attention de mes confrères », souligne le Dr Paul Kiritzé-Topor. L'essentiel, bien sûr, est de les repérer. « Sait-on que, chez les sujets de 35 ans d'âge moyen hypertendus, 12 % doivent leur état à l'alcool », interpelle l'alcoologue.
Ainsi, selon l'UNAFORMEC, si l'on veut que cela change, il faut donner au médecin de famille des clés pour identifier et venir en aide aux femmes et aux hommes dont la consommation dépasse « les limites de la convivialité alcoolique ». Concrètement, 8 cahiers destinés aux praticiens qui animent des groupes de formation, et aux généralistes qui en font la demande (1), traitent de la question, élargie à la prise en charge des alcoolodépendants et à leur suivi. S'inspirant de l'ouvrage du Dr Paul Kiritzé-Topor « Comment aider les alcooliques et ceux qui les entourent » (Ed. Masson, 1999), ils permettent de dépister le plus précocement possible le patient dont la consommation d'alcool pose un problème de santé. La démarche s'appuie sur une recherche clinique identique à ce qui se passe lorsqu'on s'interroge sur le tabagisme, la non-pratique du sport ou la présence de cholestérol.
4 verres par jour au maximum
Il faut d'abord fournir un savoir au généraliste. « Lui réapprendrel'importance de l'alcool dans de nombreuses pathologies courantes ; en somme, le b.a.-ba de l'alcoologie, explique le Dr Paul Kiritzé-Topor . Outre l'hypertension, les troubles digestifs et du sommeil et certains comportements sociaux se traduisant par plus d'agressivité le soir que le matin découlent, chez certains, d'une consommation alcoolique suspecte. » Fort de cette connaissance, il est nécessaire pour le médecin de « bien questionner l'hypertendu qui vient le consulter, de manière à quantifier ce qu'il boit ». Un adulte qui, en deux semaines, consomme quotidiennement plus de quatre verres, à raison de 10 g d'alcool par verre, « est dans le rouge ». Il appartient alors au praticien de le ramener à la raison. Quant à l'alcoolodépendant, le médecin apprendra de l'UNAFORMEC à écouter et, surtout, à « entendre le malade qui ne peut s'arrêter de boire comme ça, tout d'un coup ».
« Nous ne demandons pas au généraliste de se convertir en alcoologue, conclut le Dr Paul Kiritzé-Topor, mais de s'investir au maximum dans son rôle de sentinelle avancée de la santé publique ».
* UNAFORMEC, tél. 01.43.63.80.00.
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