L’Ordre s’étonne des entorses à la déontologie

Publié le 20/06/2011
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PIERNICK CRESSARD, neuropsychiatre et président de la section Éthique et Déontologie du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) pointe plusieurs irrégularités dans l’affaire Bettencourt. À commencer par la diffusion dans la presse d’éléments du certificat médical, qui évoque « une altération conjointe des facultés mentales et physiques » de l’héritière de L’Oréal. Selon les médecins nommés par une juge des tutelles, Liliane Bettencourt serait atteinte d’une « maladie cérébrale » et « doit pouvoir bénéficier d’une mesure de protection dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux qu’à caractère personnel, de type curatelle ».

« Toute donnée médicale est couverte par le secret médical et rien ne peut conduire un médecin à le lever », avance Piernick Cressard. L’expertise est en effet envoyée au juge des tutelles, parfois via la famille, qui la reçoit sous pli scellé. Mais seul le juge a accès au certificat. « Il n’y a aucune raison de transmettre des éléments médicaux, y compris aux actionnaires de L’Oréal », tranche le Dr Cressard, suite à la réaction d’un ancien agent commercial du groupe, Janez Mercun, qui, d’après« le Point », estime que l’état de Liliane Bettencourt aurait dû être porté à la connaissance des actionnaires. Et d’évoquer le cas de l’ancien médecin de François Mitterrand, Claude Gubler, radié de l’Ordre pour avoir révélé des faits couverts par le secret médical dans son ouvrage« le Grand Secret ».

Autre point litigieux, « par définition, un certificat est le résultat d’un examen. Les médecins commis par la juge des tutelles auraient dû refuser de se prononcer sur l’état de Mme Bettencourt sans la voir », souligne Piernick Cressard. Ce n’est que dans des cas extrêmes de décès qu’un certificat peut être établi sans un examen in situ de la personne (par exemple, lorsque l’attribution d’un héritage à un nouveau compagnon semble incongrue aux héritiers, ceux-ci peuvent entamer après le décès une action pour récupérer des deniers et le médecin se prononcer, à partir du dossier médical, sur l’altération des facultés de la personne lors de l’établissement du testament).

Si le CNOM ne peut pas déposer de plainte, le Dr Cressard rappelle que l’attitude des médecins semble « contraire à la déontologie ».

> C. G.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8985