De notre correspondante
à New York
I L est beaucoup plus facile d'étudier le vieillissement chez la levure, le ver C. elegans, et la mouche drosophile que chez l'homme. Ainsi, pour mettre en lumière les mécanismes moléculaires qui sont à la base du vieillissement et de la longévité, on recherche chez ces organismes inférieurs les mutations qui allongent la durée de vie.
Chez le ver nématode C. elegans, on sait que la voie du signal insuline/IGF régule la longévité. En effet, des mutations des gènes daf-2 et age-1, qui codent pour des composants de la voie du signal insuline/IGF, améliorent la résistance au stress et allongent la durée de vie adulte de 200 %.
Afin d'examiner si ce rôle de la voie du signal insuline/IGF est conservée chez d'autres organismes et pourrait par conséquent opérer aussi chez l'homme, trois équipes ont étudié la levure ou la mouche drosophile.
Dans une étude chez la levure, Fabrizio (université de Los Angeles, Californie) et coll. ont découvert qu'une mutation dans le gène SCH9, un homologue du gène de la protéine-kinase Akt/PKB intervenant dans la voie du signal insuline du mammifère, augmente la résistance aux oxydants et allonge la durée de vie de 300 %. « Cela indique que la longévité est associée à un plus grand investissement dans l'"entretien" et montre que des gènes hautement conservés jouent des rôles similaires dans la régulation de la durée de vie chez la levure et chez des organismes supérieurs », concluent les chercheurs (1).
Ver C. elegans et mouche drosophile
Clancy (University College London, Royaume-Uni) et coll. ont examiné la mouche drosophile. Chez la drosophile, le récepteur insuline INR (homologue de daf-2), son substrat Chico, la PI3K et sa cible PKB constituent une voie de signal qui régule la croissance et la taille. Les chercheurs ont étudié les effets des mutations des gènes inr, chico, PKB, et PI3K sur le vieillissement. De toutes les mutations testées, ils ont découvert que seule la mutation du gène chico allonge la durée de vie de 48 % chez les mouches femelles homozygotes et de 36 % chez les femelles hétérozygotes. Une mutation de chico chez les mâles hétérozygotes allonge aussi la durée de vie de 13 %, mais pas chez les mâles homozygotes. Un corollaire est que le gène chico normal accélère le vieillissement.
Enfin, dans l'étude, peut-être la plus importante, Tatar (Brown University, Providence) et coll. ont généré une lignée de mouches drosophiles portant une mutation du gène inr (homologue des récepteurs insuline chez les mammifères et de daf-2 chez C. elegans). Les mouches femelles mutantes sont plus petites et ont une durée de vie allongée de 85 %. Les chercheurs ont aussi découvert qu'un traitement par un analogue de l'hormone juvénile restaure la durée de vie normale des mouches.
« Nous en avons conclu que le déficit en hormone juvénile, qui résulte de la mutation de la voie du signal INR, suffit à allonger la durée de vie », commente, dans un communiqué, le Dr Tatar. « Nous pensons que chez la mouche, le ver, et probablement chez l'homme, des composés du type insuline influencent le vieillissement soit en retardant la croissance, soit en activant des tissus endocrines spécifiques qui libèrent d'autres hormones. »
« C'est la première preuve indiquant comment ce mécanisme du vieillissement fonctionne », ajoute-t-il. « Il semble que le vieillissement soit régulé par des hormones, avec une voie dans le cerveau affectant à travers un système de type pituitaire les hormones générales ».
Une hormone juvénile ?
Ainsi, ce mécanisme de vieillissement serait le suivant : le récepteur pour l'insuline dans le cerveau de la mouche répond à une forme d'insuline. En conséquence, des cellules cérébrales signalent à un système de type pituitaire ou thyroïdien de libérer une seconde hormone, appelée hormone juvénile. Ce composé circule dans l'organisme, initiant une série d'événements qui déclenchent la reproduction et le vieillissement rapide.
Ces résultats soulèvent la question de savoir si le signal insuline/IGF régule aussi le vieillissement chez les mammifères. Cela est fort probable. Mais, à la différence de la drosophile et de C. elegans, les mammifères possèdent des récepteurs distincts pour l'insuline et l'IGF-1 (Insuline-like Growth Factor 1), plus un troisième récepteur de fonction inconnue. Par conséquent, chacun de ces récepteurs pourrait potentiellement jouer un rôle dans le vieillissement. La restriction calorique qui allonge la durée de vie chez les rongeurs, et peut-être chez les primates, réduit les taux circulants d'insuline et d'IGF-1. Ainsi, la restriction calorique pourrait peut-être allonger la durée de vie chez l'homme.
« Science » 6 avril 2001, pp. 104, 107, 110.
(1) Lire également « le Quotidien » du 8 mars, relatant une étude de « Nature » du 8 mars sur la longévité de la levure.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature