Un test supérieur à tous les autres grâce à un logiciel AP-HP

L'IRM « quantitative » pour prédire le pronostic des patients dans le coma

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Publié le 12/03/2018
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COMA

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Crédit photo : PHANIE

L'anisotropie fractionnelle de la substance blanche du cerveau (WWM-FA pour whole-brain white matter fractional anisotropy) : le terme a de quoi paraître abscons. Pourtant, l'intérêt de ce nouvel indicateur radiologique est très clair : prédire le pronostic d'un patient dans le coma. L'objectif parle à tout le monde : est-il utile ou non de poursuivre les soins de réanimation ?

Ce critère mesuré à l'IRM en tenseur de diffusion (dite IRM « quantitative ») s'est révélé être un bon marqueur pronostique de sortie ou non de l'état comateux, dans une étude du « Lancet Neurology » pilotée à l'AP-HP avec une collaboration INSERM, CNRS et Sorbonne Université.

« Ce test présente une valeur prédictive supérieure à tout ce qui est fait par ailleurs, explique le Pr Louis Puybasset, anesthésiste-réanimateur à l'hôpital Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et coordonnateur de l'étude. Ce n'est pas étonnant, cet indicateur reflète comment l'eau est contrainte dans la substance blanche profonde, c'est-à-dire qu'il reflète l'état de la connectique axonale entre les corps cellulaires. C'est une mesure physiologique très robuste, qui devrait devenir une norme médicale ».

État neurologique à 6 mois

Plus de 200 patients dans le coma depuis 7 jours après un arrêt cardiaque ont été inclus dans cette étude menée dans 14 centres en France, en Italie et en Belgique. L'IRM en tenseur de diffusion était réalisée entre le 7e et le 28jour. « La totalité des images étaient transmises et analysées à la Pitié-Salpêtrière, souligne le Pr Puybasset. Le plus gros du travail a été de normer et de constituer la cohorte de comparaison. »

L'état neurologique était évalué à 6 mois. Le WWM-FA était comparé aux critères cliniques et biologiques standards, comme le score OHCA, l'EEG et des marqueurs des séquences d'IRM conventionnelle (FLAIR) et de la spectroscopie par résonance magnétique de protons (H-MRS).

Le travail s'est fait en deux temps, d'abord dans une première cohorte de 185 patients qui a conclu à la fiabilité la plus élevée pour la WWM-FA, puis dans une seconde, chez 50 patients, pour confirmer la valeur seuil établie à partir de la première. À 6 mois, 33 patients, soit 22 %, ont présenté un état favorable dans la première cohorte. « En dessous d'un certain seuil de WWM-FA, la probabilité de pronostic défavorable est de 100 %, indique le Pr Puybasset. Au-dessus d'un autre seuil, la probabilité de pronostic favorable est de 95 % ».

Une interprétation délicate et hypercontrôlée

Le test peut-il être facilement diffusé et utilisé ? « N'importe quelle machine d'IRM peut acquérir des images en tenseur de diffusion, explique le Pr Puybasset. La principale difficulté est de monitorer et surveiller le patient pendant toute la durée de l'examen, soit 40 minutes. Le patient doit être parfaitement stable et la présence d'un médecin réanimateur sur place est indispensable. »

Pour ce qui est de l'interprétation des images, le Pr Puybasset est beaucoup plus réservé. « Pour le moment, tout doit être centralisé chez nous, poursuit-il. L'interprétation ne doit pas se faire n'importe comment. Il existe trop de biais de mesure et de très nombreux paramètres, simples et complexes, sont vérifiés. En cas d'artéfacts, il nous arrive de ne pas rendre de résultats. L'AP-HP, qui est propriétaire du logiciel d'interprétation, a déposé une demande de brevet. » Avec l'envoi des images par internet, le centre de la Pitié-Salpêtrière peut rendre un résultat partiel dans les 2 heures puis complet dans les 12 heures.

L'équipe du Pr Puybasset a déjà finalisé et soumis à publication une étude élargie à 3 pathologies différentes (traumatismes crâniens, hématomes intracérébraux par rupture d'anévrismes et arrêts cardiaques) totalisant 506 patients et 400 contrôles. Les chercheurs envisagent également de lancer une étude en PHRC pour revalider en externe leurs résultats, ainsi qu'une étude européenne pour mesurer l'impact socio-économique et sociétal.

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9647