Qui a été épargné par la vague numérique ces vingt dernières années ? Pratiquement aucun médecin. L’informatisation des cabinets s’est imposée d’abord comme une évolution naturelle à l’aune de la révolution numérique, puis à marche forcée… On en oublierai presque qu’au début des années 90, seule une poignée de médecins s’informatise en solo. Jean-Jacques Fraslin, médecin généraliste en Loire-Atlantique, fait partie de ces pionniers. « À l’époque, il y avait beaucoup de médecins, donc on s’installait souvent seul. On créait des cabinets mais nous n’avions pas les moyens d’avoir des secrétaires. L’informatique nous permettait d’être autonomes, de diminuer les coûts, de ne pas faire tout tout seul. Mais cela concernait très peu de médecins et très peu de logiciels existaient », rappelle-t-il.
Les choses ont commencé à bouger vraiment en 1998 avec l’arrivée du programme SESAM-Vitale et des feuilles de soins électroniques; l’informatisation devient alors obligatoire et aidée financièrement. « C’était l’âge d’or pour les vendeurs de logiciels qui se sont mis à vendre plein de nouvelles licences, mais en même temps cela correspond à l’arrêt total de l’évolution dans les logiciels métier », explique le Dr Fraslin. « À partir de 1998, les éditeurs se sont consacrés quasiment exclusivement à intégrer les cahiers des charges de SESAM-Vitale », constate-t-il, la généralisation ayant un peu tué l’innovation, selon lui.
Le chantier marque d’ailleurs une étape dans les relations médecins-caisses autour du dispositif d’incitations-sanctions : avec une paix des braves trouvée au début des années 2010, via la ROSP et l’avenant FSE de 2011, stabilisant le système des pénalités. Ce qui n’exclut pas, de temps à autre, quelques escarmouches dans certaines Cpam…
Reste que, si le bouleversement initial est indiscutable, le débat reste ouvert pour trancher sur les conséquences. « Il y a un gain ergonomique parce qu’on a plus d’ordonnances, on a aussi quand même un dossier médical informatisé mis à jour à chaque consultation. Mais je ne suis pas sûr qu’il y ait un gain de productivité car cela implique quand même beaucoup de complexité, les logiciels étant mal foutus », estime le généraliste. Cela entraîne aussi une dépendance : « Quand un logiciel est en panne aujourd’hui, c’est la panique, on ne peut plus travailler ». Sujétion économique aussi : « La plupart des généralistes doivent prendre un contrat de maintenance et ça coûte cher ».
L’arrivée promise du DMP en 2004 laisse entrevoir la possibilité de nouvelles évolutions . Encore que… « Vous avez encore aujourd’hui des logiciels métiers importants qui n’ont toujours pas de modules DMP », explique Jean-Jacques Fraslin. Selon le généraliste de Bouguenais, l’Assurance Maladie empile sans faire évoluer, « à chaque fois, elle rajoute des briques au logiciel métier, ça l’alourdit mais pour nous il n’y a pas de plus-value ». Avec Internet notamment, les innovations ont explosé, mais pas forcément l’informatique professionnelle. Par exemple, aujourd’hui, peu de logiciels métier sont utilisables sur tablettes. « L’évolution se fait à côté avec Internet. J’ai le même logiciel depuis quasiment le début, confie Jean-Jacques Fraslin, mais, pour la partie agenda, j’utilise un logiciel en ligne et jamais mon éditeur n’aurait pu me proposer un outil de ce type. Dans l’avenir, si les start-up continuent de proposer des logiciels innovants on les utilisera, mais elles ne seront pas forcément reliées au logiciel métier ».
Les dates clés
› 1997. 25% des médecins disposent d’un ordinateur.
› 1998. Lancement de sesam-vitale et création du Formmel.
› 1999. 70% des médecins sont équipés.
› 2012. Avenant instaurant l’obligation de télétransmission.
› 2012. Bonus à la télétransmission dans le cadre de la ROSP.
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