C ONTRAIREMENT à une idée rebattue, les juifs américains se sont peu souciés de la Shoah au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dit Norman Finkelstein. Ce sont les revers israéliens d'octobre 1973 qui font craindre un isolement de ce pays sur la scène internationale et propulsent la mémoire de l'Holocauste comme préparatoire à un second : « Pour les juifs américains... la situation vulnérable et isolée d'Israël ressemblait terriblement à celle des juifs d'Europe trente ans plus tôt », dit l'historien Peter Novick (« The Holocaust in American life », 1999), sur lequel s'appuie l'auteur.
Dès lors, le mythe décolle, se sépare de la cause sioniste proprement dite et devient ce que Nietzsche a nommé une « fiction » . Elle tient en quelques axiomes : l'Holocauste constitue un événement unique, toute tentative de lui trouver des précédents ou des faits semblables est considérée comme antisémite ; il est événement unique car survenu aux juifs, peuple unique autoproclamé ; enfin, il constitue le point culminant de la haine irrationnelle des gentils contre les Juifs. Une haine postulée mais non prouvée, selon l'auteur, qui ajoute finement : « Si le monde entier veut tuer les juifs, on se demande comment on en trouve encore qui soient en vie... ».
Sur le plan pratique, le mythe va donner naissance à l'industrie de l'holocauste (IH) : énorme machine chapeautée par le WJC (Congrès juif mondial), qui, s'appuyant sur des cabinets d'avocats juifs, est chargé de recouvrer toutes les dettes de l'Allemagne et des Etats complices des nazis. Jouant du malheur des victimes et de la honte internationale, l'IH agresse la petite Suisse (1), fait sans cesse plus payer l'Allemagne, débusque les spoliations cachées par l'Autriche, mais oublie curieusement... les Etats-Unis et Israël, dit Finkelstein, qui lance cette phrase rageuse : « L'anormalité de l'holocauste nazi ne provient pas de l'événement lui-même, mais de l'exploitation industrielle qui s'est développée autour de lui » (page 144).
Point d'orgue à tout cela : une grande partie des sommes récoltées va aux organisations juives américaines et non aux véritables victimes. Des victimes forcément de moins en moins nombreuses, baptisées « en grande difficulté », et dont le nombre est gonflé pour les besoins de la cause. Norman Finkelstein en profite pour dire que les mensonges apportent de l'eau au moulin des antisémites : « Les juifs trafiquent même avec leurs morts », peuvent-ils dire. Et il fait culminer sa démonstration dans une de ces phrases uppercut dont il a le secret : « Si, comme le suggère l'IH, plusieurs centaines de milliers de juifs ont survécu, c'est que la solution finale n'était pas si efficace après tout » (page 125).
Une mauvaise action
Il est difficile, si on n'est pas versé dans l'histoire américaine, de contester l'auteur. Celui-ci montre avec force références, comment le Congrès a chaque fois validé les demandes de réparation financières, les chantages au gel des avoirs, formulés par les organisations juives.
Il insiste sur l'hypocrite caution morale que représente « le grand prêtre à 250 000 dollars la conférence » : Elie Wiesel, sa bête noire.
Hélas, à trop vouloir prouver, Norman Finkelstein commet à la fois un contre-sens épistémologique et, au mieux, une bien mauvaise action. La « Shoah » est bien un événement unique au sens où, comme l'a dit Alain Finkelkraut, « pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, un peuple a reçu l'interdiction d'habiter la terre » ; le zèle incroyable des nazis pour chercher les bébés juifs dans les maternités, la rage exterminatrice, alors même que l'Allemagne était vaincue, en portent témoignage. Seuls les génocides des Arméniens et des tziganes peuvent s'y apparenter.
C'est alors, effarés, qu'on voit l'auteur (dont les parents sont des rescapés du ghetto de Varsovie) tenter, pour les besoins de la démonstration, de maquiller la réalité même de l'horreur : à Auschwitz, dit-il, il n'y avait que « peu de sadiques. Pas plus de cinq ou dix pour cent ». Voilà de quoi remodeler le discours négationniste : il y a bien eu des exactions contre les juifs, mais elles n'étaient pas si méchantes que cela.
Norman Finkelstein n'est-il qu'un des « self-hater jews » (2) dont l'histoire juive foisonne depuis Otto Weininger (3) ? Plus simplement, engagé par ses écrits du côté palestinien, il permet de voir que la dénonciation du manipulé est toujours un peu manipulatrice.
Postface de Rony Brauman. Ed. La Fabrique, 157 pages, 89 F (12,19 euros).
(1) L'auteur s'emploie à montrer, dans tous les cas, que les sommes réclamées par le WJC ou la « Claims Conference » américaine sont exorbitantes et constituent un véritable racket international. Pourquoi passe-t-il sous silence le fait que ces Etats ne pipaient mot de l'existence de sommes importantes non réclamées ? Ainsi en 1995 les banquiers suisses, assez brutalement pris à partie, déclarent qu'ils ne pouvaient localiser que 77 comptes « dormants » pour un montant de 32 millions de dollars.
(2) Juifs marqué par la haine de soi et des juifs en général.
(3) Otto Weininger (1880-1903) écrivain juif, contemporain de Freud. La forte tonalité antisémite de son livre « Sexe et caractère » attira l'attention d'Hitler. Il se suicida à l'âge de 23 ans.
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