Jusqu’en 1923, année de la première injection d’insuline à un enfant diabétique insulino-dépendant, le diabète de type 1 est une maladie subaiguë mortelle. S’ouvre alors une nouvelle ère, celle des complications spécifiques du diabète qui surviennent après 10 ou 15 ans d’évolution de la maladie. Une question va diviser la communauté médicale pendant plus de 40 ans : quelle est la responsabilité de l’hyperglycémie ? « À cette époque, on ne dispose que de mesures semi-quantitatives de la glycosurie, explique le Pr André Grimaldi, diabétologue au CHU Pitié-Salpêtrière (Paris). C’est en comptant les croix de sucre dans les urines que la corrélation entre équilibre du diabète et survenue des complications microangiopathiques est établie.
Néanmoins, la méthode est imprécise et le jugement en consultation par le médecin de l’équilibre du diabète du patient reste largement subjectif ». C’est dans les années 1990 que les premiers travaux montrant un lien entre l'augmentation de l'HbA1c et les complications diabétiques ont été publiés. Dès lors, on dispose enfin d’un critère objectif, reflétant la glycémie moyenne des deux mois précédents.
En 1993, l'analyse de l'étude DCCT dans le diabète de type 1, permet de corréler le taux moyen de glycémie et la valeur de l’HbA1c : une HbA1c à 6% correspond à une glycémie moyenne à 1,20g/l, etc. Un point d’HbA1c correspond à une augmentation de la glycémie moyenne de 0,30g/l. Autre enseignement de DCCT : un point d’HbA1c en plus (ou en moins) c’est 30% en plus (ou en moins) de rétinopathies, de neuropathies et de néphropathies diabétiques. 5 ans plus tard, l’étude UKPDS fait un contrat similaire dans le DT2 et démontre l’intérêt du contrôle glycémique en terme de réduction des complications micro- et, dans une moindre mesure, macrovasculaire.
Quels objectifs d’HbA1c fixer ?
Des questions cruciales vont alors émerger : quels objectifs d’HbA1c fixer en fonction du risque d’hypoglycémie et du risque de complications macroangiopathiques ? « Nous n’avons pas de preuves absolues du bénéfice de l’équilibre du diabète pour prévenir la macroangiopathie, reconnaît le spécialiste. Néanmoins toutes les méta-analyses convergent : un point d’HbA1c en moins sur 5 à 10 ans, c’est environ 15% en moins d’infarctus, sans impact sur l’AVC ».
La preuve absolue ne sera jamais apportée. Dans l’essai ACCORD, chez des diabétiques de type 2 à haut risque CV, la normalisation de l’HbA1c à moins de 6% a réduit le taux d’infarctus de 24%, mais au prix d’une augmentation de mortalité de 22%. La conviction du bénéfice sur la macroangiopathie du bon équilibre du diabète – en évitant les hypoglycémies sévères – viendra surtout des suivis à long terme des essais UKPDS, DCCT et, plus récemment, VADT.
Des voix s’élèvent toutefois contre la suprématie de l’HbA1c. Dans un article paru en 2013, le CNGE (Collège national des généralistes enseignants) estime que l’hémoglobine glyquée n’est qu’un critère intermédiaire peu corrélé à la réduction de la morbi-mortalité et que la réduction du taux d’HbA1c ne doit pas constituer un objectif thérapeutique en soi.
Approche centrée sur le patient
Dans le même temps, après avoir pensé dans les années 2000 à un objectif glycémique identique pour tous avec un HbA1c < 6,5 %, un tournant décisif a été marqué en 2012 avec l’« approche centrée sur le patient », promue par l’American Diabetes Association et l’European Association for the Study of Diabetes et repris par la société Francophone de Diabétologie. Une large marge de manœuvre est désormais laissée aux soignants : l’Hba1c se pose comme une cible thérapeutique personnalisée, entre 6,5% et 8% selon le profil du patient.
En parallèle, la palette de molécules anti-hyperglycémiques s’étoffe dès 2008, avec la mise sur le marché des incrétines (analogues du GLP1) et des gliptines (inhibiteurs de la DPP4), même si les recos françaises (HAS 2013) tendent à limiter leur recours en 2e ligne de traitement. Les gliflozines – inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2) – qui agissent sur le rein frappent déjà à la porte, avalisées il y a quelques mois par l’agence européenne du médicament.
Insulines de synthèse
Ce tour d’horizon des progrès thérapeutiques ne serait pas complet sans mentionner le progrès majeur constitué par les insulines de synthèse et, surtout, par l’arrivée simultanée dans les deux types de diabète de l’insuline basale glargine qui vient de fêter ses dix ans. Les recherches s’orientent vers des basales dites ultra-concentrées, de plus longue durée d’action, avec une meilleure reproductibilité des glycémies dans le type 1 voire une amélioration de l’HbA1c et moins d’hypoglycémies nocturnes dans le type 2. Des insulines basales en une injection hebdomadaire sont en cours de développement. L’avenir aussi sera aux analogues de l’insuline encore plus rapides que ceux déjà existants.
Côté technologie, plus de 40 ans auront passé depuis le pacemaker multiprogrammable et l’appareil de mesure de la glycémie transportable. Et l’on touche presque du doigt désormais la solution ultime du pancréas artificiel.
Les dates clés
› 1993. DCCT établit une corrélation entre HbA1c, niveau glycémique et risque de complications microangiopathiques dans le DT 1.
› 1998. UKPDS démontre pour la première fois l’intérêt du contrôle glycémique en terme de réduction des complications micro- et, dans une moindre mesure, macrovasculaire dans le DT 2.
› 2008. Accord jette le doute sur l’intérêt du contrôle glycémique intensif.
› 2008. Mise à disposition des premières incrétines.
› 2012. Les sociétés savantes de diabétologie prônent le traitement personnalisé des diabétiques de type 2.
› 2013. Nouvelles recommandations de la HAS sur la prise en charge du DT2.
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