PRATIQUE
Réponse à la douleur
Différents travaux font état des troubles neurosensoriels associés à la trisomie 21, mais peu d'études font état du comportement vis-à-vis de la douleur de ces personnes. Dés la naissance, les réactions des enfants porteurs de trisomie 21 apparaissent pour des stimuli plus forts, et avec un délai plus long que pour les enfants ordinaires. Cette absence de réaction s'amplifie avec l'âge, et les enfants de plus de 1 an ne montrent pas les expressions de douleur utilisées par les enfants ordinaires, comme des grimaces, des arrêts de la respiration ou des mouvements des membres. Se fondant sur ces absences de réactions, certains auteurs décrivent une baisse de la sensibilité, voire une indifférence à la douleur. En outre, dans les services de soins, il est fréquent d'entendre des parents considérer leur enfant comme « dur au mal ».
Deux tests cliniques simples, mis en uvre pour 75 personnes ordinaires et 26 personnes porteuses de trisomie 21, montrent que les personnes trisomiques mettent plus de temps à exprimer l'atteinte du seuil de sensibilité au froid et qu'elles ont plus de difficultés à localiser un stimulus nociceptif que les personnes ordinaires. L'importance de cette différence reflète davantage la lenteur du traitement du signal douloureux et surtout de la réponse effectrice (verbalisation pour les seuils ou localisation avec le doigt) qu'une altération réelle de la sensibilité et de la conduction nerveuse. Les difficultés qu'ont les personnes trisomiques à réagir dans une situation potentiellement algique sont principalement dues aux troubles psychomoteurs et aux déficits cognitifs qui sont très présents dans le syndrome de Down (trisomie 21). Ainsi, différents travaux ont montré que les enfants trisomiques sont lents et manquent de précision dans leurs mouvements, et que ces comportements ne sont pas uniquement dus à des déficits cognitifs, mais également à des déficits neuromoteurs. En fait, les personnes trisomiques répondent plus lentement à n'importe quelle stimulation.
Suspecter et reconnaître la douleur
Cette douleur, non exprimée et non perçue par l'entourage, peut avoir des conséquences comportementales non négligeables. La douleur qui n'est pas reconnue et partagée par l'environnement affectif devient une souffrance pour l'individu qui la subit, que celui-ci soit porteur de trisomie 21 ou non. Une augmentation de l'anxiété, des comportements de repli, voire d'opposition, peuvent en résulter. Ces troubles comportementaux, s'ils ne sont pas corrélés à l'événement algique, sont souvent imputés à la déficience mentale qu'induit la trisomie 21, ce qui peut modifier le projet de vie de l'enfant ou de l'adulte.
Informer et éduquer
Même si tous les enfants ne présentent pas les mêmes difficultés, tous nécessitent une certaine vigilance et une stimulation précoce, afin de limiter l'apparition de ces problèmes et de leurs conséquences. Les enfants ordinaires apprennent spontanément à dire leur douleur parce qu'ils utilisent un code comportemental (grimaces, pleurs) que leur environnement reconnaît, ce qui déclenche rapidement la réponse antalgique (soin externe) et la réponse réparatrice (comportement de réconfort apporté par les parents). Pour l'enfant porteur d'une trisomie 21, l'hypotonie musculaire qui s'exprime au niveau de la face peut masquer l'expression des sensations et des émotions, et en particulier celles de l'inconfort ou de la douleur. L'environnement parental, non informé par le comportement de l'enfant, ne déclenche pas forcément les réponses antalgiques et réparatrices. Cette situation ne permet pas à l'enfant de reconnaître cette sensation comme une douleur, elle n'est pas éducative. Montrer si on a mal et où on a mal implique que l'on ait appris à le faire.
Prendre en compte et contrôler la douleur
Les personnes trisomiques ont plus de risques d'être confrontées à la douleur du fait de la grande prévalence des maladies associées au syndrome. De telles conditions médicales (cardiopathies, affections rhino-pharyngées, otites, troubles digestifs, etc.) impliquent, pour la population ordinaire, un certain degré d'inconfort ou de douleur qui est clairement exprimé. De plus, les modalités de traitement de ces différentes pathologies, qu'elles soient chirurgicales ou (ré-)éducatives sont elles-mêmes génératrices de douleur. Aussi, face à un enfant apparemment insensible, le risque potentiellement algique doit toujours être considéré et pris en compte, même par défaut. Annoncer, déclarer, contrôler et reconnaître la douleur de l'enfant trisomique, dans le cadre d'un soin, conforte l'enfant dans ses rapports avec le monde médical, qu'il sera conduit à fréquenter plus souvent qu'un autre enfant, du fait de ses besoins de santé spécifiques.
Plus particulièrement lors des soins externes, la panoplie antalgique doit être systématiquement mise en uvre, même en l'absence de signes algiques. L'utilisation de crèmes anesthésiques et de la sédation consciente par inhalation sont de grands atouts dans ces situations. En outre, tout acte inconfortable ou potentiellement algique inévitable (y compris l'acte d'anesthésie locale) doit être accompagné du langage permettant de caractériser le type de douleur (ça pique, ça brûle, ça gratte...), sa localisation (le doigt, le bras, le genou, la bouche, etc.), et d'identifier la présence et la disparition de cette douleur.
Référence : M. Hennequin, C. Morin, J. Feine. Pain Expression and Stimulus Localization in Individuals with Down's Syndrome. « The Lancet », 2000 ; 356 (9245) : 1882.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature