«LE monde de la médecine humanitaire attire les gens les plus divers pour partager pendant un moment de leur vie une expérience unique. » Qui sont ces gens et pourquoi s'engagent-ils, s'interroge Jean Margaret Davis, docteur en psychologie, dans la revue « Humanitaire », lancée à l'initiative de Médecins du Monde et de l'Institut de l'humanitaire, qui entend favoriser l'émergence d'une réflexion sur l'humanitaire.
Selon les années, le taux des « démissionnaires », c'est-à-dire de ceux qui ne font qu'une seule mission, est compris entre 40 et 70 %. Parmi eux, certains n'ont jamais envisagé de faire plus d'une mission. « Ils sont partis pour des raisons personnelles, ont trouvé leur compte et sont entrés dans la vie française plus ou moins satisfaits », note l'auteur.
A l'occasion d'une thèse en psychologie sur la médecine humanitaire et les médecins qui se portent volontaires, Jean Margaret Davis a cherché à comprendre, auprès de 36 personnes (30 hommes et 6 femmes), « le sens et les retombées des missions à l'étranger dans la vie de ces personnes ». Son enquête est intervenue après la débâcle militaro-humanitaire en Somalie, en pleine guerre en ex-Yougoslavie et en Tchétchénie, après les massacres au Rwanda.
Des conflits dans l'équipe
Selon l'auteur, la gestion du stress chez les médecins volontaires dépend de leur situation personnelle, qu'ils soient « en quête de quelque chose ou en fuite ». Cette gestion dépend surtout des rapports qu'ils entretiennent avec leurs coéquipiers. « La majorité des médecins dans cette étude ont connu des situations de danger personnel, de guerre ou d'extrême tension. Ils ont été confrontés à des situations moralement choquantes et à des visions terribles et pourtant, constate Jean Margaret Davis, plus de la moitié d'entre eux ont évoqué, comme problème le plus éprouvant, un conflit entre personnes, soit à l'intérieur de l'équipe, soit avec le personnel soignant local. » Et d'affirmer qu'une personne « très solide psychologiquement peut être mise à mal si elle se trouve dans une équipe qui la rejette ou qui rejette ses façons d'affronter les problèmes ». Alors qu'une personne « fragile » peut très bien s'en sortir, si elle est soutenue.
Séparations, divorces, changements d'orientation professionnelle, prise de distance avec les anciens amis, les retours de mission entraînent bien des bouleversements. Beaucoup se déclarent « plus curieux », s'engagent dans des actions sociales, politiques, humanitaires à l'étranger et en France. « Presque tous » les médecins interviewés « se sont désinvestis par rapport à certains de leurs intérêts antérieurs et ressentent, à des degrés divers, une difficulté à communiquer (...) à vivre pleinement dans leur milieu ».
* « Humanitaire », 4 numéros par an. Renseignements au 01.56.95.02.20 ou par e-mail à revuehumanitaire@yahoo.com
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