Si « Le Généraliste » était paru en avril 1895

Lésions cérébrales et pied-bot

Publié le 14/04/2015

J’ai été récemment appelé à faire l’examen de trois cerveaux, nous a dit le Dr Luys, membre de l `Académie de médecine, appartenant à des sujets atteints de pieds bots. Le premier de ces sujets, une femme morte à l’âge de 69 ans, avait été atteint d’un pied bot équin à gauche, à la suite de convulsions à l’âge de 7 ans et, depuis lors, elle était restée boiteuse. Elle succomba à une bronchite généralisée. L’autopsie du cerveau seule fut pratiquée. Sur les méninges, pas de traces d’adhérences. Les deux lobes, ayant été isolés par une incision médiane, furent pesés. Le lobe droit, celui qui correspondait au membre atrophié, pesait 10 grammes de moins que son congénère.

La morphologie générale de ce lobe était à peu près régulière sauf certaines circonvolutions amincies ça et là, avec élargissement des sillons. Mais un point capital, sur lequel j’insiste, c’est que le lobule paracentral était très notablement atrophié. De plus, l’hémisphère cérébelleux gauche ne pesait que 70 grammes alors que le droit en pesait 80.

Postérieurement, j’ai rencontré sur deux cerveaux appartenant à des sujets atteints de pieds bots, des atrophies semblables de la région paracentrale et, plus souvent encore, des atrophies concomitantes de la frontale supérieure.

J’ai constaté pareillement chez des anciens amputés, mais dans quelques cas seulement, des atrophies notables de l’écorce, à l’endroit où les impressions sensitives du membre amputé ont cessé de venir se répartir. Chez ces mutilés, on constatait au bout d’un certain temps des troubles psychiques significatifs, des variations dans le caractère, une irritabilité spéciale et dont le mobile échappait, une brutalité sans raison apparente, parfois des accès de misanthropie singuliers. Je me rappelle avoir donné des soins à un officier général qui avait perdu un membre dans une bataille et qui, tout à coup, sans que rien n’eût pu le laisser prévoir, présenta des modifications mentales qui étaient, à coup sûr, liées aux modifications survenues dans la substration organique.

Ces faits d’atrophie centripète, consécutifs à des atrophies périphériques du système nerveux, retentissant à la longue sur la région centrale, sont dignes de fixer l’attention des psychologues.


Source : lequotidiendumedecin.fr