V INGT ans après le paroxysme des tensions entre les SAMU et les SDIS (services départementaux d'incendie et de secours), la coopération entre les deux services, fortement encouragée par une circulaire ministérielle de septembre 1992, a progressé d'une façon remarquable.
Si ce partenariat SAMU-pompiers (symbolisé par l'interconnexion entre les centres 15 et 18, autrement dit la gestion commune des appels urgents) doit être encore renforcé, il semble que la cohabitation des deux services dans des centres opérationnels communs ne présente pas d'avantage. C'est ce que révèle un rapport de SAMU de France, qui fait la synthèse de plusieurs expériences de terrain dans lesquelles tentent de cohabiter les régulateurs des appels parvenant sur le 15 et sur le 18. Sur deux sites (Clermont-Ferrand et Marseille), la gestion des appels reçus par le 15 et par le 18 est effectuée dans un centre unique situé à l'hôpital tandis que, sur une dizaine de sites, des centres communs « 15 + 18 » localisés en dehors de l'hôpital fonctionnent déjà ou sont en projet.
Quiproquo
Il ressort de cette observation du SAMU de France (qui n'est pas une évaluation stricte) que la cohabitation « 15 + 18 » n'est pas bénéfique en soi du point de vue de la santé publique. « Les effets présentés (...) ne se distinguent pas, en première analyse, de ceux constatés dans une organisation performante entre des centres 15 et 18 distincts », note le rapport.
Plus grave, certains « dysfonctionnements sérieux » peuvent survenir dans le cas d'une telle cohabitation, faute de coordination parfaite. SAMU de France cite par exemple un « délai de transmission et de quiproquo de 7 minutes avant de décider de déclencher les moyens appropriés pour un arrêt cardiaque ». Même dans le cas de situations exceptionnelles où l'existence d'un centre commun présente « un réel avantage », certains SAMU expliquent que, en cas de panne complète du réseau téléphonique (foudre, rupture de câble souterrain), la cohabitation de tous les acteurs dans un centre paralysé empêche de rebasculer les appels, contrairement à ce que permet la séparation physique des centres 15 et 18.
Le rapport insiste surtout sur les « effets secondaires négatifs » de la cohabitation entre pompiers et médecins régulateurs lorsque le centre commun 15 + 18 est situé en dehors de l'hôpital. Le rapport souligne que le problème de la motivation et du recrutement des médecins régulateurs, déjà constaté dans tous les départements français, est « aggravé lorsque le centre 15 est extérieur à l'hôpital ».
Autre effet pervers de l'externalisation du centre 15 : « la relation entre le SAMU et le SMUR est altérée » (impossibilité de renfort médical, difficulté à organiser des réunions communes), de même qu'est perturbé le partenariat entre le SAMU et les autres services hospitaliers, en particulier pour préparer l'admission d'un patient hospitalisé.
Bref, résume le rapport, une cohabitation 15 + 18 qui conduit à isoler géographiquement le centre 15 de son hôpital de rattachement « pose problème » et doit être « absolument proscrite ».
Ne pas briser la dynamique
Si le rapport de SAMU de France est très réservé quant à l'efficacité concrète de dispositifs où sont regroupés sapeurs-pompiers, permanenciers et médecins régulateurs, il encourage volontiers toute « dynamique de partenariat » entre les SAMU et les SDIS. Certes, la cohabitation des acteurs dans un bâtiment unique peut indirectement favoriser cette dynamique. Mais c'est loin d'être la solution unique. La coopération entre les deux services, note le rapport, passe aussi par « des procédures communes, une entraide, la participation des médecins des pompiers à la régulation médicale au SAMU, la mise en comptabilité des équipements de télécommunication et d'informatique, des liaisons à haut débit ».
Certains SAMU réclament aussi davantage d'actions de formation et d'exercice avec les pompiers ou la définition d'objectifs communs dans la prise en charge des victimes.
SAMU de France s'inquiète par ailleurs des conséquences de la mise en place du numéro européen 112, dont le recours s'accroît avec l'explosion des téléphones portables, ce qui risque « d'interférer » avec la traditionnelle organisation des secours et de l'aide médicale urgente en France. « Une politique doit être rapidement mise en place pour que le développement du numéro 112 ne désorganise pas le fonctionnement du SAMU et des pompiers », conclut le rapport.
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