P OUR ne pas engager l'urgente réforme des retraites, le gouvernement avait un alibi : son Fonds de réserve dans lequel, en 1999, il a déposé la modique somme de 2 milliards de francs, en déclarant toutefois que, à l'horizon 2020, on y trouverait 1 000 milliards.
Des propos rassurants, mais qui n'ont pas été suivi d'effet. Dans une note adressée à la présidente du conseil d'orientation des retraites (COR), le sénateur RPR Alain Vasselle affirme que l'Etat n'est pas en mesure de tenir ses engagements. Le 8 mars dernier, le Sénat a en effet exercé son droit de contrôle sur le financement des retraites et constaté que, à l'horizon 2020, il manquerait 775 milliards au Fonds de réserve. Ce qui montre bien que le financement des retraites n'est pas vraiment prévu par le gouvernement et que la solution miracle qui consistait à abonder le Fonds avec des excédents hypothétiques ne repose sur aucune donnée réelle.
Le privé comme le public
Le gouvernement, qui ne sait pas très bien comment il va financer les 35 heures et l'APA (allocation pour les personnes âgées) entre autres dépenses sociales, n'a donc pas commencé à verser au Fonds de réserve les sommes qui crédibiliseraient sa projection sur 2020.
Il perd donc son alibi, ce qui ne va pas manquer de relancer le débat sur les retraites, celles du secteur public et celles du secteur privé, qui risquent de fondre comme neige au soleil si une réforme n'est pas appliquée dans les plus brefs délais.
On connaît les raisons politiques (et électorales) qui empêchent Lionel Jospin d'agir dans ce domaine particulièrement sensible : il ne peut pas y avoir de réforme des retraites sans allongement des carrières. Le patronat qui, naguère licenciait à tour de bras les employés âgés de 57 ans et demi, en leur octroyant une retraite anticipée payée par la collectivité, fait de la retraite à 65 ans un impératif catégorique. Alors que de nombreuses professions, dont les employés des transports publics en province, font la grève pour obtenir la retraite à 55 ans.
Aidé par l'amélioration du marché de l'emploi, le patronat devrait commencer par renoncer solennellement à la retraite anticipée et ne forcer aucun salarié à partir avant 65 ans. De son côté, le gouvernement devrait franchir le Rubicon et dire l'inexprimable, à savoir qu'il faut faire sauter le verrou de la retraite à 60 ans, qui ne pourrait être consentie désormais qu'à ceux qui accepteraient des pensions moins élevées.
Un état d'esprit créé par le gouvernement
Une telle mesure serait forcément impopulaire, mais le gouvernement a sa part de responsabilités dans un état d'esprit qu'il a créé de toutes pièces en imposant la semaine de 35 heures qui, aux yeux des Français, signifie qu'on peut gagner la même chose en travaillant moins. Si on peut travailler quatre heures de moins par semaine, on doit pouvoir aussi travailler cinq ans de moins dans une vie, croient beaucoup de nos concitoyens.
Il n'y a pas assez d'argent dans les caisses de l'Etat et dans la loi de Finances pour financer les 35 heures, les diminutions d'impôts déjà en vigueur ou à venir, la CMU, l'APA et la retraite à 60 ans. On n'a pas davantage la certitude que la croissance permettra de financer tous ces programmes sans difficulté. Et la France peut encore moins recourir au déficit budgétaire.
Le ministre de l'Economie et des Finances, Laurent Fabius, se débat comme un beau diable : il réaffirme son appartenance à la gauche et son adhésion à une politique de gauche qui financerait les nouveaux programmes sociaux, diminuerait les impôts, et commencerait à réduire le déficit budgétaire et la dette nationale.
C'est fou ce que ce gouvernement est capable de faire, mais on peut le soupçonner de tordre les enveloppes budgétaires pour leur attribuer plusieurs fonctions à la fois. M. Fabius, cependant, se garde bien d'évoquer le financement des retraites. Il ne veut pas courir le risque de perdre sa crédibilité.
En tout cas, voilà un bon thème de débat électoral. On aimerait bien que, parmi les candidats qui, déjà, se bousculent au portillon, il y en ait un au moins qui aurait le courage de dire la vérité : les régimes de retraite seront en faillite dans quelques années si on ne recule pas l'âge de la retraite. Bien sûr, cela va à l'encontre de tous les messages que le gouvernement envoie à la population depuis quatre ans. Cela est en parfaite contradiction avec la réduction du temps de travail. Encore qu'on puisse faire valoir qu'une carrière plus longue faite de semaines plus courtes devrait être plus acceptable pour les salariés. Et, de toute façon, c'est ce gouvernement qui a voulu les 35 heures et il lui appartient de réconcilier ses programmes avec les fonds dont il dispose.
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