Prise en charge de la migraine

Les recommandations évoluent

Publié le 06/06/2013
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"LE PROJET DE RÉVISION des recommandations avait été initialement élaboré à la demande de la Haute autorité de santé (HAS), mais cette dernière a récusé la majorité des experts au motif de leurs liens d’intérêts. C’est pourquoi la SFEMC publie ces recommandations, réalisée selon la méthodologie agréée par la HAS, en son nom (1)," précise le Dr Anne Donnet.

Les évolutions concernent tout d’abord l’évaluation du handicap migraineux afin de proposer une prise en charge optimale. À côté de la tenue d’un agenda des crises, déjà préconisé en 2002, les experts recommandent l’utilisation de deux échelles : HIT6 (Headache impact test, sixième version) pour évaluer le retentissement fonctionnel et l’altération de la productivité et HAD (Hospital anxiety and depression scale) qui évalue pour sa part la composante émotionnelle de la migraine afin de dépister une comorbidité anxieuse ou dépressive.

Pour le traitement de la crise, les recommandations ont affiné la qualité de l’interrogatoire. Parmi les quatre questions déjà proposées en 2002, l’une a été modifiée pour apprécier la constance d’efficacité du traitement, qui doit être avérée deux fois sur trois. « Il est important que le patient puisse compter sur son traitement », note le Dr Donnet. En termes de stratégie de traitement, les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont préconisés en première intention et lorsqu’un triptan est prescrit, l’accent est mis sur la précocité de la prise, au stade de céphalée légère, moins d’une heure après le début de la céphalée. « Avant de conclure à l’inefficacité d’un triptan, il faut s’assurer que les conditions de prise ont bien été suivies (prise précoce au cours de 3 crises consécutives), et le cas échéant retester le traitement. En cas d’échec d’un deuxième triptan, évalué comme précédemment, une association, et non plus une succession, aux AINS sont alors recommandée », poursuit le Dr Donnet.

Le pré-abus.

Un traitement de fond est instauré en fonction de la fréquence et de l’intensité des crises mais aussi de leur impact, familial, social et professionnel et, nouveauté, dès que le patient consomme depuis 3 mois le ou les traitements de crise plus de 2 jours chaque semaine, et cela même en cas d’efficacité. L’objectif étant d’éviter, chez ces patients en pré-abus, le passage en céphalée chronique quotidienne par abus de médicaments. Par souci de simplification, on ne compte plus en comprimés mais en nombre de jours de prises.

Pour le choix de la molécule, la SFEMC a positionné en première intention uniquement les bêta-bloquants (propanolol et métoprolol), qui ont un bon niveau de preuves, une autorisation de mise sur le marché et un bon rapport bénéfice/risque. « Les antiépileptiques ont un bon niveau de preuves mais posent plus de problème de tolérance et sont de prescription plus délicate chez la femme jeune en âge de procréer, précise le Dr Donnet. En cas de contre-indication, d’intolérance ou d’inefficacité des bêtabloquants, le choix du traitement se fait selon le terrain, les comorbidités, la sévérité de la migraine et l’existence d’une AMM ».

Selon la vie hormonale.

Pour la première fois, les recommandations ont décliné les différents états de la migraine tout au long de la vie hormonale de la femme. Elles précisent la conduite à tenir chez une femme migraineuse ayant utilisé des antimigraineux sans se savoir enceinte et les modalités de prise en charge de la migraineuse enceinte lorsqu’un traitement antimigraineux est nécessaire. Pour le traitement de la crise, le paracétamol est proposé en première intention, les triptans restent contre-indiqués même si les données sont plutôt rassurantes.

Les crises de migraine menstruelles doivent être traitées comme les crises tout-venant mais un traitement préventif séquentiel, limité à la période menstruelle, peut être envisagé. Plusieurs options stratégiques (estradiol cutané, certains triptans) sont proposées dans les recommandations, sans qu’aucune ne bénéficie d’une AMM. Chez les femmes prenant une contraception orale, l’utilisation d’un estroprogestatif en continu ou d’un progestatif pur peut être une alternative.

Les experts de la SFEMC rappellent que la pilule n’est pas contre-indiquée de façon systématique chez les migraineuses, mais que la contraception estroprogestative est contre-indiquée chez les femmes jeunes (<35 ans) souffrant de migraine avec aura, chez lesquelles un progestatif pur ou un autre mode de contraception doit être privilégié.

Enfin, la migraine ne constitue pas une contre-indication au traitement hormonal de la ménopause (THM). Cependant, en cas d’aggravation des crises sous THM, il faut passer à une forme transdermique, réduire les doses d’estradiol voire arrêter le traitement.

D’après un entretien avec le Dr Anne Donnet, hôpital de la Timone, Marseille.

(1)Revue neurologique. January 2013;169(1):14-29.

 Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan spécialistes