Ezétimibe

Les leçons d’IMPROVE-IT

Publié le 17/12/2015
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La place des traitements pouvant réduire le risque cardiovasculaire par une action sur les lipides sériques dépend du modèle que l’on choisit pour apprécier cette action (1).

Dans le modèle classique de l’hypothèse lipidique, un traitement peut être proposé s’il modifie dans un sens favorable les taux plasmatiques des paramètres lipidiques. Tout traitement permettant de diminuer le LDL-cholestérol pourrait être prescrit si cette hypothèse est choisie. Ce modèle a cependant des limites. Il n’a en effet jamais été scientifiquement validé. En effet, aucun essai thérapeutique n’a évalué l’effet clinique de l’obtention d’une valeur prédéfinie de LDL-cholestérol. Par ailleurs, seules les études réalisées avec des statines ont eu un résultat favorable. Ces essais évaluaient des doses diverses. Il peut donc éventuellement être postulé que l’abaissement du LDL-cholestérol ne reflète que la dose de statine utilisée. Dans ces conditions, plus une dose de statine est élevée, plus le bénéfice clinique obtenu est important, indépendamment des taux initiaux de LDL-cholestérol et de la cible thérapeutique choisie. Ce modèle constitue l’hypothèse statine, par opposition à l’hypothèse lipidique.

Six ans de suivi

L’ézétimibe est une molécule qui diminue l’absorption intestinale du cholestérol et réduit le LDL cholestérol de 15 à 20 %. Son efficacité sur le risque d’événements cardiovasculaires majeurs a été évaluée dans l’étude IMPROVE-IT (2). Il s’agit d’un essai contrôlé, réalisé à double insu contre placebo. Il a porté sur des patients après syndrome coronaire aigu récent. Ceux-ci ont été aléatoirement assignés soit à l’ézétimibe à la dose de 10 mg/j, soit à un placebo. Les investigateurs ont inclus 18 144 patients dont le taux de LDL-cholestérol était en moyenne de 0,95 g/l lors de l’épisode coronaire aigu. Durant l’étude, dans le groupe sous placebo, le LDL-cholestérol a été abaissé en moyenne à 0,69 g/l et dans le groupe sous ézétimibe à 0,54 g/l.

À l’issue d’une période de suivi d’une durée médiane de 6 ans, comparativement au placebo, une réduction significative des événements cardio-vasculaires a été observée dans le groupe des malades sous ézétimibe, ainsi qu’une réduction significative de la fréquence des infarctus et des accidents vasculaires cérébraux ischémiques. En revanche, le risque de revascularisation coronaire, la mortalité globale et la mortalité cardio-vasculaire n’ont pas été abaissés.

Un facteur de risque modifiable

L’étude IMPROVE-IT a ainsi permis de montrer les statines ne sont pas les seules molécules qui permettent de diminuer le risque cardiovasculaire en diminuant le taux de LDL-cholestérol. Elle a confirmé, si besoin était, que le LDL-cholestérol est bien un facteur de risque cardio-vasculaire modifiable.

Le bénéfice observé sous ézétimibe s’est matérialisé par une réduction relative du risque de 6 %. Ce bénéfice, statistiquement significatif du fait de la puissance de l’étude, peut sembler faible. La pertinence clinique de l’utilisation de l’ézétimibe peut donc être discutée. Il est à noter que le bénéfice clinique n’a porté que sur les infarctus et les accidents vasculaires cérébraux. Cette constatation peut être imputable à la molécule elle-même, mais aussi à la faible diminution du LDL-cholestérol observée, ou encore au fait que son taux était très faible à l’inclusion, conformément au protocole choisi par les investigateurs. Enfin, même si la diminution du risque qui a été constatée dans l’étude IMPROVE-IT n’a porté que sur certains éléments constitutifs du critère principal de jugement, elle montre que même chez des patients ayant un LDL-cholestérol inférieur à 0,70 g/l, un abaissement supplémentaire de ce taux est cliniquement pertinent. Cette constatation rappelle également que les seuils lipidiques d’intervention et cibles thérapeutiques actuellement proposés sont arbitraires.

(1) Jarcho JA, Keaney JF. Proof That Lower Is Better--LDL Cholesterol and IMPROVE-IT. N Engl J Med 2015; 372: 2448–2450.

(2) Cannon CP, et coll. Ezetimibe added to statin therapy after acute coronary syndromes. N Engl J Med 2015; 372: 2387–2397.

Dr Gérard Bozet

Source : Le Quotidien du Médecin: 9459