L E Premier ministre dressera, lors du séminaire gouvernemental du 31 mars, le bilan de ses quatre années au pouvoir. Et aussi des élections municipales.
Tout en célébrant leurs victoires à Paris et à Lyon, les socialistes ne cachent pas leur déception : 29 villes de 20 000 habitants ou plus sont passées à gauche, et l'électorat s'est prononcé, globalement, en faveur de la droite. Les communistes, pour leur part, constatent que le PC a reculé et s'inquiètent de la lente contraction de leur électorat. La réaction ne s'est pas fait attendre : au PS et au PC, on presse Lionel Jospin d'adopter des mesures plus clairement engagées à gauche.
Cela signifie, principalement, des mesures de dépenses en faveur des plus pauvres. Avant même de se demander si l'Etat français peut encore accroître ses dépenses budgétaires, on note que le raisonnement n'est pas logique : si les Français jugeaient insuffisant le niveau des prestations sociales, ils n'auraient pas élu des hommes et des femmes appartenant à un camp dont la vocation est de contenir les dépenses.
L'usure du pouvoir
On n'expliquera pas davantage le résultat du scrutin par le désir de Français d'équilibrer le budget : ce n'est pas une notion très répandue dans les chaumières. L'histoire récente a démontré que, après la réduction du temps de travail, les revendications salariales n'ont pas faibli. Il faut donc bien admettre que le gouvernement est tout simplement victime de l'usure du pouvoir et que la droite de la France profonde a retrouvé ses repères traditionnels.
Les facteurs psychologiques ont été déterminants : la médiatisation de la politique est telle que les électeurs sont las de voir les mêmes têtes au gouvernement. C'est un trait naturel de la démocratie : le défi des gouvernés aux gouvernants y est permanent.
Rien n'oblige donc M. Jospin à « gauchir » sa politique sociale en des temps incertains où les prévisions budgétaires risquent d'être balayés par le ralentissement économique et la diminution des recettes fiscales. Il sait, mieux que personne (en dehors de Laurent Fabius), qu'il n'est jamais sain de dépenser de l'argent qu'on n'a pas gagné.
Mais il est normal que chacun prêche pour sa paroisse : la société française n'est pas tout à fait un paradis et l'aile gauche du PS, à l'instar du PC, montre du doigt les sous-SMICards qui vivent sous le seuil de la pauvreté et les professions devenues à risque depuis que l'insécurité se propage dans tous les quartiers difficiles.
Un beau sujet de débat social vient de se présenter : la grève dans les transports publics en province. Les salariés réclament, comme c'est déjà le cas à Paris, la retraite à 55 ans. Ils s'appuient sur la pénibilité de leur travail. Il est vrai qu'un conducteur de bus n'est pas à la noce quand il doit affronter des tagueurs, des cracheurs et des agresseurs. On ne saurait négliger le sort de ces hommes et de ces femmes qui risquent leur intégrité physique pour gagner leur pain.
Justement, cela se passe dans les cités, celles où l'on vient de voter. S'il y a un message des électeurs, c'est qu'ils comptent sur la droite pour rétablir l'ordre. La solution n'est pas de soustraire au travail pendant cinq ans les conducteurs de bus pour qu'ils soient exposés moins longtemps au vandalisme et aux agressions des voyous. Elle est de faire en sorte qu'ils n'y soient jamais, ou que très rarement, exposés. Ce qui leur permettra de finir leur carrière à 60 ans, ou même plus.
On a expliqué l'échec de Catherine Trautmann à Strasbourg par la dissidence de son premier adjoint. Peut-être. Il demeure que Strasbourg est cette ville où 1 300 voitures ont été incendiées l'année dernière. Ce qui en dit long sur l'efficacité de la mairie socialiste en matière de sécurité.
Des emplois
On pourrait donc conseiller à Lionel Jospin plus de fermeté et lui indiquer qu'un gouvernement proche du peuple n'est pas laxiste pour autant. Fermeté en matière de sécurité, parce que ce sont les pauvres qui souffrent le plus de la délinquance ; fermeté aussi en matière budgétaire parce que le rôle de l'Etat ne se borne pas à distribuer de l'argent. Les prestations sociales sont souvent le seul moyen de renflouer des foyers en détresse. Mais la vraie solution, c'est la croissance, et des emplois, si possible mieux rémunérés. Le plus grand succès du gouvernement Jospin n'est pas d'avoir augmenté les minima sociaux et encore moins d'avoir mis en place la semaine de 35 heures ; c'est d'avoir créé plus d'emplois avec un taux de croissance qui, pour être réconfortant, n'a pas été spectaculaire. Le discours sur l'emploi que tient Laurent Fabius est le seul qu'il faille retenir. Le seul que M. Jospin doive retenir.
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