E TES-vous heureux ? Ce n'est certes pas la question précise à laquelle les 3 987 médecins sur les 18 154 sollicités (mais en fait seulement 3 600 réponses ont été exploitables) ont répondu dans le cadre de l'enquête lancée par le département douleur-rhumato-gastro du laboratoire Aventis, mais cela y ressemble quand même.
En effet, l'intention des responsables de cette étude, menée avec l'aide de la société TN SOFRES Santé et du Pr Jean-Pierre Rolland, enseignant de psychologie, était de mesurer le sentiment de bien-être professionnel et personnel (mais les deux notions sont étroitement liées) des médecins et de faire des comparaisons entre généralistes et spécialistes, mais aussi avec d'autres professions préalablement étudiées.
Il s'agissait aussi, dans un deuxième temps, de mettre en valeur les émotions - qu'elles soient positives ou négatives - éprouvées par les médecins aux divers moments de leur exercice médical.
Concernant le premier élément, les médecins avaient à donner leur sentiment, à partir de cinq items, sur le degré de satisfaction qu'ils éprouvent à exercer leur métier. Si généralistes et spécialistes sont presque à égalité pour dire qu'ils ont fait « des choses importantes dans leur vie professionnelle », ils divergent sensiblement au sujet des conditions de travail. Les généralistes en particulier les jugent beaucoup plus difficiles que les spécialistes ; de même, ils sont plus nombreux à vouloir que les choses changent dans leur vie professionnelle.
L'exception des policiers
Si l'on prend l'ensemble des résultats de cette partie du questionnaire et qu'on les compare aux résultats de semblables enquêtes menées sur d'autres professions, on s'aperçoit que les généralistes sont légèrement désabusés (voir schéma ci-contre). Ainsi, sur l'échelle de satisfaction définie par les responsables de cette enquête (échelle qui va de 5 à 35), le score moyen des médecins est de 21,1, mais celui des généralistes est de 20,6 et celui des spécialistes de 21,6. Une différence appréciable, selon les enquêteurs.
On s'aperçoit que les généralistes sont beaucoup moins satisfaits que les cadres (21,1), mais légèrement plus que les employés et largement plus que les policiers. Mais pour Jean-Pierre Rolland, cette dernière profession, sur laquelle il a longuement travaillé, souffre aujourd'hui du manque de reconnaissance de la population, ce qui rend la très morose. « La probabilité d'interroger un policier et qu'il se déclare insatisfait est bien plus élevée que celle d'interroger un médecin et qu'il en fasse de même », explique-t-il .
Logiquement, pourrait-on dire, les médecins qui se déclarent aujourd'hui les plus satisfaits sont ceux qui ont su, ou ont pu, par ailleurs, se ménager du temps libre pour leur famille, leur amis ou leurs loisirs. Et il n'est pas étonnant que les femmes généralistes, qui ont souvent pris soin de se réserver ces temps libres, soient plus satisfaites que les hommes de leur vie professionnelle. « Il apparaît, explique Jean-Pierre Rolland, que, pour être plus satisfait de son métier, il faut exercer un contrôle sur le temps qui lui est consacré, afin de prendre du temps pour soi. » Cette évidence qui ressort de l'enquête est sans doute bonne à rappeler, même s'il est vrai qu'il n'est pas toujours facile pour un généraliste de gérer son temps comme il le voudrait.
Emotions positives,
émotions négatives
La partie de l'enquête sur les « émotions » ressenties par les médecins, au cours de leur exercice, ne manque pas d'intérêt non plus. Les responsables de cette étude ont fait la différence entre « émotions positives » et « émotions négatives ». Et si les généralistes ressentent plus souvent que les spécialistes des « émotions positives », comme la sympathie, la bienveillance, la satisfaction, l'affection même, pendant l'exercice de leur profession, ils sont beaucoup plus nombreux à ressentir des émotions négatives, comme l'anxiété, la nervosité, l'irritation, l'inquiétude. Et là aussi, pourrait-on dire, pas de surprise : plus le quartier est facile, plus les généralistes ressentent des émotions positives, tandis que les émotions négatives sont aggravées par un quartier difficile, un rythme de sommeil et de repas irrégulier, des déplacements nocturnes, une lourde charge de travail.
« On peut se sentir coupable de dire non, mais aussi irrité de dire oui, explique en conclusion le Pr Rolland. C'est bien à ces deux sentiments qu'un certain nombre de médecins devront échapper pour améliorer leur satisfaction au travail. »
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature