L A vie au grand air, à la campagne, ne serait pas aussi saine qu'on le pense. Surtout pour les éleveurs. Certes, ils sont moins sujets aux asthme et rhinites allergiques, mais la prévalence des symptômes respiratoires dus au contact des animaux dépasse, chez eux, celle de la population générale. C'est le constat que fait Katja Radon (Munich, Allemagne), dans le dernier numéro du « European Respiratory Journal ».
Cette chercheuse allemande a mené une enquête de grande envergure auprès de 6 156 éleveurs de cinq régions européennes (deux en Allemagne, une au Danemark, en Suisse et en Espagne). Elle a cherché à y établir l'incidence des symptômes respiratoires d'origine professionnelle. Son travail est parti d'un constat. Ces fermiers sont exposés à des poussières organiques ainsi qu'à de nombreux agents chimiques (désinfectants, ammoniaque) qui peuvent être impliqués dans la survenue de maladies respiratoires. D'ailleurs un syndrome toxique aigu, l'ODTS (Organic Dust Toxic Syndrom), a déjà été décrit. Simulant une grippe, il est attribué à l'inhalation de grandes quantités de particules organiques.
L'enquête a été menée par courrier ou téléphone auprès de fermiers tirés au sort sur une liste de 5 000. Le questionnaire s'est intéressé à l'existence d'une respiration sifflante, de difficultés respiratoires, d'asthme ou d'allergie nasale au cours de la dernière année, ainsi qu'au nombre d'heures passées au contact des animaux. Bien sûr l'existence d'un tabagisme était également relevée.
Risque de toux sèche multiplié par 1,8
L'analyse montre que 80 % des sujets interrogés sont des hommes, de 48 ans en moyenne. Surtout, il apparaît que les éleveurs de porcs sont bien plus atteints de pathologie respiratoires que leurs « confrères ». Elever des porcs majore le risque de toux sèche d'un facteur 1,8 et les difficultés respiratoires, la sibilance ou les rhinites irritatives d'un facteur 1,5. L'incidence de l'ODTS est multipliée par 1,4. Des mécanismes non allergiques, mais irritatifs semblent en cause, attribués à la forte concentration dans les porcheries de polluants et de micro-organismes.
Entre les autres élevages (bovins, ovins, volaille) la fréquence des symptômes est similaire, avec simplement chez les éleveurs de volaille une incidence des sibilances respiratoires et des irritations nasales corrélées au temps passé dans les poulaillers. Ainsi, passer plus d'une heure par jour dans les installations double la fréquence de la symptomatologie. Une telle relation incidence-durée d'exposition a été également relevée dans les élevages porcins.
L'annonce d'une bronchite chronique ?
Dernier constat de Katja Radon, des toux grasses hivernales sont relevées quatre fois plus souvent quand existe une rhinite irritative. Cette toux, explique-t-elle, pourrait être considérée comme un signe prédictif de bronchite chronique. Pathologie non attribuable au tabac dans cette étude, puisque seulement 21,8 % des éleveurs sont fumeurs. Il reste au médecin allemand à analyser les relations entre les concentrations de poussière et la survenue de cette toux chronique.
Enfin, l'objectif du travail étant aussi de comparer les données obtenues à celles de la population générale, il apparaît que, dans la tranche 20-44 ans, tous les symptômes évocateurs d'allergie respiratoire (asthme, sibilance, rhinite) sont moins fréquents chez les éleveurs. Cette différence serait attribuée à des différences dans l'alimentation, le mode de vie (notamment moins de temps passé dans les locaux isolés). Il fait donc encore bon vivre à la campagne.
« European Respiratory Journal », vol. 17, n° 4, avril 2001.
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