IL Y A DEUX MOIS, le monde de la chirurgie plastique était en émoi à la suite d’une recommandation de l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) adressée aux femmes ayant subi la pose de prothèses mammaires fabriquées par la société Poly Implant Prothèse (PIP). On leur conseillait en effet de consulter leur chirurgien et surtout de respecter le suivi médical régulier. Mesure raisonnable, qui de toute façon doit s’appliquer dans tout protocole de pose de prothèse. L’AFSSAPS avait été avertie de plusieurs ruptures de l’enveloppe de ces implants. Tout en précisant qu’ « en l’état des données disponibles, (elle n’avait) pas relevé de complications différentes de celles qui sont habituellement rencontrées avec d’autres implants préremplis de gels de silicone », elle avait procédé à l’inspection des locaux de la société PIP, constatant alors que le gel de silicone utilisé pour la fabrication des implants était différent de celui qui avait été déclaré dans les dossiers de conception et de fabrication du produit lors de sa mise sur le marché. Elle avait alors pris la décision de suspendre la vente ainsi que la pose de ce produit.
Depuis, de plus en plus de patientes transmettent leurs plaintes auprès du parquet de Marseille. Sur les 500 000 porteuses d’implants mammaires, 30 000 auraient reçu des prothèses PIP. Certaines plaignantes se sont regroupées en associations.
Chartes de qualité.
Les chirurgiens plastiques, eux, se disent prêts à porter plainte. Ils attendent toujours les résultats de l’enquête préliminaire. Une information judiciaire a été ouverte à l’encontre de la société PIP pour « blessures involontaires » et « commercialisation de produits défectueux ». Elle devrait déterminer les éventuelles responsabilités de PIP. S’il était prouvé, par exemple, que les salariés étaient tous au courant de l’usage non autorisé du gel, cela constituerait un cas de fraude massive. Et, dans ce cas, l’assureur de l’entreprise serait sûrement dédouané.
Le Syndicat national de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique prépare son action en justice. « D’abord, parce que c’est une affaire grave, explique le Dr Bruno Alfandari, président du syndicat. Il est important que nous réagissions pour les confrères que l’on représente. Ensuite, parce qu’ainsi nous aurons accès à toutes les pièces du dossier. Et cela nous permettrait de décrypter le mécanisme de la tromperie, si elle était avérée, et d’éviter ainsi qu’elle ne se reproduise à l’avenir. » Le projet serait d’établir avec les fabricants des chartes de qualité, de traçabilité des produits. Il s’agirait aussi de mieux cadrer les obligations d’assurance.
Des discussions en ce sens avec certains labos sont en cours, indique le Dr Alfandari.
La société savante de chirurgie plastique et reconstructive mène également avec l’AFSSAPS une réflexion qui vise à améliorer la déclaration des incidents sur les prothèses. Cela devrait déboucher sur la simplification de la procédure, en développant la télédéclaration par exemple, afin de favoriser la relation directe entre le chirurgien plaignant et l’AFSSAPS. « Aujourd’hui, il y a souvent des intermédiaires en jeu : pharmacien, clinique, laboratoire… », témoigne le Dr Alfandari. De son côté, l’AFSSAPS poursuit ses analyses du gel mis en cause et de sa biocompatibilité. Elle ne rendra pas ses résultats avant un mois.
Le syndicat a mené en interne une enquête afin d’estimer le taux d’exposition à l’affaire des chirurgiens syndiqués. « Même si cette étude n’est pas scientifiquement valable, le recueil de données laisse à penser que le taux de rupture de prothèses reste très faible », indique le Dr Bruno Alfandari. Tout du moins sur les 15 000 prothèses recrutées.
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