Délivrés de la mine de San Jose

Les « 33 » chiliens doivent gérer l’après

Publié le 15/10/2010
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Crédit photo : AFP

APRÈS l’épreuve de 69 jours confinés à 700 m sous terre, dont 17 jours livrés à eux-mêmes, les 33 mineurs de la mine chilienne de San Jose vont émerger soit plus forts, soit plus fragiles mais changés à jamais, estiment les psychologues. « Leur vie d’avant est déjà finie », affirme Enrique Chia, psychologue de l’Université catholique du Chili, pour qui les mineurs seront confrontés à un grand défi de réadaptation dans une période post-traumatique « pleine de risques ». Le gouvernement leur offrira « un appui psychologique professionnel minimum de six mois, pendant lesquels ils pourraient avoir des moments de tristesse, de dépression », a précisé le ministre de la Santé Jaime Manalich. La « partie la plus compliquée » à gérer sera sans doute l’extérieur, estime Enrique Chia : « La famille, leur routine, la réalité nationale, tout aura changé. » Des experts de la NASA, venus en septembre conseiller les opérations, ont mis en garde contre les effets « de leur forte notoriété dans le pays, de la pression des médias et de la société ». « Les médias vont les oppresser. Nombre d’entre eux se verront bombardés d’offres de télévision, pourraient même y faire carrière. Mais cela va durer quelques mois, d’ici mars ce sera un souvenir », estime René Rios, sociologue de l’Université catholique du Chili.

Les 33 mineurs ont remarquablement géré leur calvaire jusqu’à la délivrance. Selon Alberto Iturra, chef de l’équipe psychologique, leur quotidien au fond de la mine a ressemblé à leur vie en surface. Ils avaient gardé un système de tours, typiques de l’activité minière et travaillaient huit heures à tour de rôle. Le 22 août, une sonde a fini par arriver jusqu’à la galerie où ils s’étaient réfugiés 17 jours plus tôt après un éboulement. Par la suite, d’autres « palomas », sont venues ravitailler les mineurs. Les « 33 » recevaient également du courrier, des médicaments, des vêtements. Grâce à des exercices musculaires et de la course dans la galerie d’un kilomètre et demi de large où ils étaient réfugiés, ils ont pu effectuer une heure quotidienne d’activité physique. Ils ont aussi reçu des formations en premiers soins, en psychologie positive et en expression orale pour se préparer à affronter leur médiatisation inattendue.

Problèmes dentaires et cutanés.

À leur sortie de la mine, après les premières embrassades, les mineurs ont été placés sur un brancard, puis auscultés dans un hôpital de campagne sur place. Munis de lunettes de soleil hyperprotectrices, ils ont ensuite été transférés par hélicoptère à la ville de Copiapo, à 50 km, pour y subir 48 heures d’examens médicaux approfondis, avant de pouvoir être rendus à leurs familles. Ils ont été installés dans une aile de l’hôpital aménagée spécialement pour eux, avec notamment les fenêtres fermées pour protéger leurs yeux de la lumière. Selon le ministre de la Santé, les principaux symptômes présentés par les mineurs à la fin de leurs deux mois et demi de confinement sont des problèmes dentaires d’une « certaine intensité », et des problèmes cutanés. Les risques de lésions oculaires au contact de la lumière de soleil seront suivis. Mais ce ne sont « pas des malades », a assuré le ministre en ajoutant : « Ce sont 33 personnes mûres, complètement autonomes, qui ont été capables de faire face à une épreuve comme on n’en a sans doute jamais vu auparavant dans l’histoire de l’homme. »

Il était toutefois temps de revoir le jour pour les mineurs, qui n’ont pas caché leur impatience et leur anxiété, ces derniers jours. Certains d’entre eux redoutaient de monter dans l’étroite cage métallique de 53 cm de diamètre même s’ils ont été soumis à des exercices « simulant le stress physiologique » de la remontée. Chaque mineur étaient munis d’électrodes pour suivre leur fréquence cardiaque et respiratoire, leur ventilation et leur consommation d’oxygène ainsi que leur température. L’ordre de leur remontée a été déterminé à l’avance par les secouristes, selon un modèle théorique de sauvetage, faisant passer les plus « habiles » en premiers, les plus « faibles » ensuite, et les plus « forts », capables de supporter une attente prolongée, en dernier. « S’il vous plaît, ne nous traitez pas comme des artistes », demandait mercredi à sa sortie Mario Sepulveda, deuxième mineur secouru, mais premier à s’exprimer devant la télévision publique. Pour le psychologue Enrique Chia, les mineurs « vont réaliser que la célébrité est limitée, qu’il faut capitaliser, puis commencer un nouveau projet de vie ». Avant de retrouver leur liberté et comme pour se protéger, les 33 exprimaient leur désir de rester unis après cette épreuve.

STÉPHANIE HASENDAHL

Source : Le Quotidien du Médecin: 8837