Légalisation de l'euthanasie : la Belgique pourrait suivre les Pays-Bas

Publié le 12/04/2001
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U NE majorité de 46 voix contre 28 a décidé que l'euthanasie serait désormais légale aux Pays-Bas. Il ne manquait plus que le vote des sénateurs néerlandais pour que l'euthanasie soit définitivement légalisée.

Le texte avait déjà été adopté à une large majorité par les députés (« le Quotidien » du 1er décembre). Tous les partis de la coalition gouvernementale de centre gauche ont approuvé le projet, avec le soutien des écologistes. Le principal parti d'opposition, l'Alliance chrétienne démocrate, a voté contre. Selon les ministres néerlandais de la Santé et de la Justice, la loi pourrait entrer en vigueur dans la deuxième moitié de cette année.
La légalisation de l'euthanasie ne va pas introduire un changement radical. Depuis une circulaire ministérielle de 1997 (qui traduisait une jurisprudence de la Cour suprême des Pays-Bas de 1994), l'euthanasie était partiellement décriminalisée pour les adultes, tout en restant officiellement punissable d'une peine maximale de douze ans de prison.

Des conditions

Les médecins pourront recourir dorénavant à l'euthanasie sans avoir peur d'être poursuivis en justice. A plusieurs conditions. Tout d'abord, le praticien doit s'assurer que le malade est affligé de « souffrances insupportables ». Il doit informer son patient de la situation dans laquelle il se trouve et des perspectives thérapeutiques qu'il lui reste. Il doit également consulter au moins un autre médecin au jugement indépendant. Dans un deuxième temps, les praticiens doivent se soumettre au contrôle de commissions régionales spécialisées et chargées de veiller à ce que les règles soient respectées.
Dans le cadre de la nouvelle loi, ces commissions, constituées d'un médecin, d'un juriste et d'un spécialiste en éthique, ne transmettront plus à la justice que les cas litigieux. En 2000, 2 123 cas d'euthanasie ont été officiellement recensés aux Pays-Bas, dont l'écrasante majorité touchant des patients atteints de cancer (89 %). La majorité des euthanasies sont pratiquées chez les particuliers (1 773 cas) puis dans les hôpitaux. Jusqu'à présent, le ministre de la Justice estime que plusieurs centaines de cas d'euthanasie par an ne sont pas déclarés aux commissions régionales par crainte des poursuites judiciaires, ou pour des raisons de confidentialité.
La nouvelle loi offre également aux mineurs la possibilité de recourir à l'euthanasie, avec l'accord des parents pour les enfants âgés de 12 à 16 ans. Pour les plus de 16 ans, ce consentement ne sera plus nécessaire.

Des critiques

Alors que la légalisation de l'euthanasie paraissait être une formalité dans un pays où l'adoption de lois autorisant la prostitution ou le mariage homosexuel (deux premières mondiales également) n'ont provoqué aucune vague de protestation, près de 8 000 personnes ont manifesté à La Haye contre le projet de loi. Mais c'est à l'étranger que l'hostilité s'est le plus largement manifestée. Contrairement à la Belgique, qui devrait autoriser l'euthanasie d'ici à 2002 en y mettant des conditions plus restrictives que les Pays-Bas, les politiques et l'église protestante en Allemagne considèrent que la légalisation de cette pratique médicale est une erreur dangereuse. « Nous devons concentrer nos efforts pour laisser les humains mourir dignement et sans souffrance, et non gaspiller notre énergie à nous demander s'il faut autoriser l'euthanasie », a déclaré la ministre allemande de la Justice, Herta Daeubler-Gmelin. Les réactions des politiques s'opposent cependant à l'opinion des Allemands, puisque 64 % des Allemands de l'Ouest et 80 % des Allemands de l'Est estiment qu'un patient très malade a le droit de demander au médecin de lui donner la mort.
Qualifiée de « triste primeur » par le Vatican, la légalisation de l'euthanasie a été jugée « contraire à la Convention européenne des droits de l'homme » par la rapporteuse de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur l'euthanasie, Edeltraud Gatterer. Quant au ministre russe de la Santé, le Dr Iouri Chevtchenko, il a indiqué que l'euthanasie était « un grand péché que nous ne devons pas admettre ».
Enfin, si l'euthanasie est considérée comme illégale en France (le code pénal distinguant l'euthanasie active de l'abstention thérapeutique), le Comité consultatif national d'éthique a toutefois proposé « une sorte d'exception d'euthanasie prévue par la loi (qui) permettrait d'apprécier tant les circonstances exceptionnelles pouvant conduire à des arrêts de vie, que les conditions de leur réalisation ».
Reste, pour les pro-euthanasie, la solution évoquée par un médecin australien. Le Dr Philip Nitschke a annoncé qu'il achèterait un bateau sous pavillon néerlandais, pour y installer sa clinique, dans les eaux internationales proches de l'Australie. « Je vois des gens tous les jours et je sais qu'ils iront si la possibilité leur en est offerte », a-t-il assuré.

Le suicide assisté plutôt que l'euthanasie active

Différents termes pour des pratiques semblables ? Les Pays-Bas sont en tout cas le seul pays au monde à généraliser, par une loi, la pratique de l'euthanasie. « L'important, c'est la sécurité juridique pour le médecin et pour le patient », a déclaré le ministre néerlandais de la Justice, Benk Korthals. Les autres pays préfèrent traiter ce problème au cas par cas, par voie judiciaire essentiellement.
Le Danemark autorise le patient atteint d'une maladie incurable à décider lui-même de l'arrêt des traitements, par le biais d'un « testament médical ». En Suède, l' « assistance au suicide » est un délit non punissable et le médecin peut, dans des cas extrêmes, débrancher les appareils respiratoires. En Grande-Bretagne, l'euthanasie est illégale, mais la justice a autorisé des médecins à abréger la vie de malades maintenus en vie artificiellement. En Amérique latine comme en Chine, l'euthanasie est tolérée pour les patients au stade terminal d'une maladie incurable. Aux Etats-Unis, la loi fédérale interdit l'euthanasie. Néanmoins, en 1996, le tribunal fédéral d'appel de New York avait autorisé l'euthanasie médicale. Enfin, en Australie, une loi légalisant l'euthanasie, pour la première fois au monde, avait été votée en juillet 1996 par le Parlement des Territoires du Nord, mais elle a été abrogée au niveau fédéral quelques mois plus tard.

S. H.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6898