« Nous avons découvert que la thérapie anti-intégrine α4-β7 réduit les agrégats lymphoïdes dans l’intestin des patients infectés par le VIH-1. Puisque ces agrégats lymphoïdes constituent un important réservoir du VIH-1, ce médicament pourrait être utile chez les personnes infectées par le VIH, en combinaison avec d’autres agents », explique au « Quotidien » le Dr Saurabh Mehandru, chercheur à l’Icahn School of Medicine at Mount Sinai (New York, Etats-Unis) qui a dirigé l’étude publiée dans la revue « Science Translational Medicine ».
En 2004, l’équipe avait montré que l’intestin était particulièrement ciblé par le VIH dès le début de l’infection. « Nous avions découvert que les cellules immunitaires T CD4 + qui résident dans l’intestin étaient profondément appauvries dès les premiers stades de l’infection VIH », rappelle le Dr Mehandru. Récemment, d’autres groupes ont montré que les cellules T CD4 + portant le récepteur α4-β7, une protéine favorisant leur migration vers l’intestin, sont particulièrement susceptibles d’être infectées par le VIH et contribuent à la progression de la maladie. Ces cellules pourraient ainsi permettre d’acheminer le virus dans les tissus de l’intestin.
Essais de phase1/2
Compte tenu du rôle important des cellules T CD4 + α4-β7 +, l'hypothèse a été formulée qu'une thérapie anti-α4-β7 pouvait constituer une nouvelle approche originale contre l’infection VIH-1. Des résultats prometteurs ont été obtenus, dans des modèles animaux, avec l’anticorps anti-α4-β7 pour prévenir ou atténuer la maladie sans qu'en soient précisément connus les mécanismes d’action. Des essais de phase 1/2 ont débuté pour évaluer le vedolizumab (Entyvio), un anticorps anti-α4-β7, déjà approuvé pour le traitement des MICI modérées a sévères.
« Nous avons découvert maintenant comment un traitement anti-α4-β7 peut, de façon assez inattendue, atténuer considérablement les agrégats lymphoïdes. C’est la première fois que l’on rapporte une réduction de ces agrégats associés à l’intestin à la suite d’une intervention thérapeutique chez les patients VIH-infectés. Ainsi, ces données apportent un fondement rationnel à l'utilisation de ces traitements dans l'infection VIH-1 et au-delà », estime le Dr Mehandru.
Réduction des agrégats lymphoïdes au niveau de l'iléon
L’étude de Uzzan et coll. porte sur 6 patients (37 à 62 ans) ayant une MICI très légère et une infection VIH-1. Les patients étaient traités par antirétroviraux et présentaient une virémie non détectable ou minime. Ils ont reçu le vedoluzimab (VDZ) et les auteurs décrivent leur évaluation pendant 30 jours.
Le traitement VDZ a été bien toléré chez ces patients VIH-infectés, avec seulement des effets indésirables mineurs déjà décrits, comme des infections des voies respiratoires supérieures. Grâce à des prélèvements de la muqueuse intestinale par colonoscopie, au niveau de plusieurs sites immunitaires, les chercheurs ont pu constater que le traitement VDZ entraîne une réduction importante des agrégats lymphoïdes, notamment dans l’iléon terminal. Les agrégats sont réduits en taille et en nombre et contiennent moins de lymphocytes B CD20 +.
Compte tenu des efforts actuels pour tenter d'éradiquer le VIH, « nous pensons qu’un traitement avec des agents anti-α4-β7, en combinaison avec d’autres agents de réversion de la latence du VIH (LRAs), pourrait constituer une nouvelle approche thérapeutique », concluent les auteurs. L’équipe continuera de suivre ces patients traités au long cours par le VDZ. des études plus larges sont prévues.
Science Translational Medicine, 3 octobre 2018, Uzzan et coll.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature