Le tiers payant généralisé aura fait couler beaucoup d’encre et n’a pas fini d’animer d’innombrables discussions. Et malgré la promesse d’un système rapide, simple et fiable, répétée tant par Marisol Touraine que Nicolas Revel, directeur de l’Assurance Maladie, la pilule ne passe toujours pas chez les médecins.
Craintes d’y perdre son temps et son argent, mais aussi, pour certains, question de principe… Car Ie « paiement direct des honoraires par les malades » est bien ancré dans la profession. Établi par la loi, en 1971, il a même acquis le statut de principe déontologique. Ce mécanisme d’avance, qui « n’a pas d’équivalent en Europe », souligne l’économiste de la santé Lise Rochaix, était justifié par l’idée de « responsabiliser les patients sur l’ensemble de la dépense », précise-t-elle.
Les choses vont néanmoins rapidement évoluer. «Dans les années 1980/ 1990, on constate un report des patients vers l’hôpital où il n’y a pas de frais à avancer », poursuit la responsable de la chaire Hospinnomics. À cette époque, des voix s’élèvent chez certains experts du domaine de la santé pour dénoncer la complexité et l’illisibilité du système, appelant à une remise à plat. Un diagnostic partagé mais qui, jusque récemment, n’avait pas été suivi d’effet. Tout juste des exceptions au principe étaient-elles concédées.
Elles concernent d’abord, à partir de 1987, les patients atteints d’une maladie chronique, dans le cadre du régime ALD, puis, avec la CMU en 1999, les ménages modestes, pour qui l’avance des frais peut constituer un problème d’accès aux soins. Elles couvrent parallèlement – et depuis plus longtemps – les actes dispensés dans des lieux de soins comme les centres de santé: héritage des vieux dispensaires… Mais entre le souci de responsabiliser les patients sur le coût des actes qui leur sont dispensés et le souhait de faciliter l’accès aux soins, l’équation reste complexe.
Sur le premier point, les économistes ne sont pas forcément de l’avis des médecins : « La généralisation du tiers payant consacre l’idée qu’il y a d’autres formes de responsabilisation », précise en effet Lise Rochaix. À ses yeux, « il faut faire en sorte que médecins et patients soient, les uns comme les autres, incités à une consommation raisonnée ». Une idée d’ores et déjà initiée par la construction des parcours de soins, selon elle. À laquelle s’ajoutent, pour les soignants, les recommandations de la Haute Autorité de santé sur le bon usage des soins. Les malades ont aussi un rôle à jouer. Lise Rochaix évoque ainsi l’exemple du système suédois où les patients, s’ils ne réalisent pas les consultations de prévention qui leur sont proposées, sont moins remboursés pour les soins associés.
Reste l’idée selon laquelle le tiers payant constitue une mesure inflationniste. Lise Rochaix n’y croit guère car cela n’a pas été observé chez les populations en ALD ou bénéficiant de la CMU : « Sous réserve que la population vers laquelle le tiers payant va être généralisé soit comparable à celles qui en bénéficient déjà, on ne voit pas pourquoi il y aurait un effet massif ». L’économiste ne pense pas non plus que cette mesure modifiera le rôle du médecin, considérant que la relation médicale repose avant tout sur une alliance plutôt que sur un échange monétaire. Pour elle, « la grande évolution dans la relation médecin-patient est celle de la décision partagée ».
Les dates clés
› 1999. Mise en place pour les bénéficiaires de la CMU.
› 2015. Généralisation pour les bénéficiaires de l’ACS.
› 2016. Généralisation pour les patients à 100%.
› 2017. Généralisation annoncée pour tous.
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