Les pics horaires d’infarctus sont expliqués

Le rythme circadien influe sur les facteurs de risque

Publié le 09/11/2010
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De notre correspondant

LES ÉTUDES épidémiologiques montrent clairement que la survenue des pathologies myocardiques, des AVC ou des arythmies ventriculaires est «rythmée» par deux pics de risque, l’un matinal (entre 6 heures et midi) et un autre, secondaire, dans la soirée (entre 18 et 22 heures). Des études chez l’animal avaient déjà conduit à évoquer l’influence du noyau supra-chiasmatique (une formation hypothalamique de contrôle de l’horloge biologique) sur le système cardio-vasculaire. Mais les travaux chez l’homme en faveur du rôle du rythme circadien sur la pathologie cardiaque étaient jusqu’ici rares ou peu convaincants.

Une épreuve de désynchronisation artificielle.

L’équipe de Steven Shea (Harvard Medical School de Boston) a réalisé, chez douze volontaires sains (hommes et femmes), une étude permettant d’examiner le rôle propre de l’horloge circadienne, indépendamment des facteurs comportementaux ou environnementaux. Les participants se sont soumis, pour cela, à une épreuve dite de désynchronisation artificielle (forced desynchrony) lors de laquelle ils ont vécu, au sein d’un laboratoire, des «journées» de 20 heures en lumière tamisée, durant une période de 240 heures (12 journées).

La mesure des taux plasmatiques de catécholamines au repos montre d’importantes variations circadiennes (d’une amplitude de 70%, en moyenne, pour l’adrénaline et de 34% pour la noradrénaline, avec un pic à 9 heures du matin). Ces variations sont encore plus marquées concernant le cortisol circulant (85%, avec un pic vers 8 heures 30 du matin). La réponse des catécholamines à l’effort connaît aussi des variations circadiennes, mais avec deux pics quotidiens (à 7-10h30 et 20-22 heures).

Les Américains observent également des variations circadiennes significatives des témoins du tonus vagal cardiaque au repos, avec une amplitude de 34% pour la composante HF (high frequency) et de 21% pour l’indice pNN50 (pourcentage de différences d’intervalles RR de plus de 50 ms). Ces marqueurs «protecteurs» connaissent un pic à 7-8 heures du matin et un creux lors du pic secondaire de vulnérabilité aux pathologies cardiaques (18-22 heures 30). Il existe, là encore, des variations circadiennes à l’effort, avec une amplitude de 35% et de 21% pour HF et pNN50, respectivement.

Paramètres hémodynamiques.

Les auteurs notent, en outre, des variations cycliques des paramètres hémodynamiques (pression artérielle systolique, PAS, et diastolique, PAD), mais avec des pics vers le soir (phase secondaire de vulnérabilité), plutôt que durant la période de risque primaire matinale. La réponse à l’effort de la PAS (mais non de la PAD) connaît également des variations cycliques significatives (6,4%). Enfin, l’agrégabilité plaquettaire (mais non leur numération) est, elle aussi, soumise à des variations circadiennes (amplitude de 12%), au repos, avec deux pics quotidiens.

L’ensemble de ces données démontre l’existence d’une influence de l’horloge biologique sur de nombreux marqueurs de risque de la fonction cardiaque au repos et, à l’exercice, sur le tonus vagal, l’activité sympathique et la pression systolique. Elles suggèrent la participation du système circadien aux pics de risque observés en clinique.

Le protocole rigoureux utilisé dans l’étude américaine met en lumière le caractère indépendant (des facteurs de risque environnementaux) de l’influence circadienne. Ces informations pourront être utilisées dans le cadre d’études chez les populations exposées au risque de pathologies cardiaques. La meilleure connaissance des influences circadiennes sur la fonction cardiaque permettra aussi d’améliorer l’administration des thérapeutiques dans la journée.

FAJL Sheer, SA Shea et coll. Impact of the human circadian system, exercise, and their interaction on cardiovascular function. PNAS (2010) Publié en ligne.

Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8853