Ostéoporose au congrès de l'AAOS

Le parcours gynécologique, une variable d'influence

Publié le 27/03/2019
ostéoporose

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Crédit photo : Phanie

Récompensée par le prix Kappa Delta décerné lors du congrès de l'American Academy of Orthopaedic Surgeons (AAOS, 12 au 17 Mars 2019), le projet de recherche de la Dr X. Sherry Liu démontre comment les antécédents de la vie reproductive d'une femme constituent une variable cruciale dans l'éventuel développement ultérieur d'une ostéoporose ou d'un risque fracturaire par déficit œstrogénique. La période de reproduction et la ménopause représentent deux évènements physiologiques de la femme susceptibles de produire des altérations squelettiques découlant d'une chute rapide de l'imprégnation œstrogène.

Une estimation validée

En moyenne, le squelette féminin perd cinq à dix pour cent de sa charge minérale durant la grossesse et éventuellement l'allaitement. Cette période de reproduction exige des quantités de supplémentations calciques substantielles, aussi bien pour le fœtus en croissance nécessitant lui-même 60 à 350 mg de calcium quotidien (suivant le stade de la grossesse) que pour le nourrisson allaité, dont les besoins sont en moyenne de 200 mg pour bâtir un squelette adéquat. Cette demande de calcium est fournie par l'organisme maternel, qui pour assurer cette dépense calcique croissante fait appel à de nombreux mécanismes, parmi lesquels inévitablement une résorption squelettique.

La mise au point d'un model

Afin de mieux comprendre, à court puis long terme, les effets sur la structure osseuse de l'organisme féminin lors d'une grossesse puis à l'allaitement, la Dr Liu et son équipe ont eu recours à un modèle murin. Ils ont étudié les modifications hormonales et la réponse de la structure osseuse à la privation œstrogénique, qui  survient en phase de reproduction et en période post-ménopausique. En combinant une imagerie sophistiquée avec des tests de résistance mécanique de la solidité squelettique, les chercheurs sont parvenus à appréhender les éventuels phénomènes compensatoires susceptibles de se produire.

Des résultats plutôt curieux

Initialement, la recherche démontra sur le modèle, qu'après deux ou trois cycles de reproduction, l'os trabéculaire (substance spongieuse intra-osseuse) et l'os cortical ne parviennent pas à immédiatement se réparer pour retrouver un niveau comparable à celui des sujets vierges. En revanche, le squelette de ces sujets fait l'objet d'une importante transformation au terme de la période de sevrage. L'os cortical se renforce et compense la déperdition de l'os spongieux, réduisant du même coup le risque de fracture. Ces adaptations de l'os cortical, en structure et en distribution des contraintes, permettent au compartiment cortical de libérer rapidement du calcium vers le compartiment spongieux. Puis, du fait d'un turn-over accéléré, un « tampon » d'os spongieux en excès se constitue dans le squelette, compensant les déperditions éventuelles ultérieures d'une nouvelle phase de reproduction. A terme, s'installe un phénotype structural maternel spécifique s'adaptant à de multiples épisodes de reproduction et d'allaitement. Plus tard dans la vie de la femme, un tel phénotype va exercer un effet protecteur à l'encontre d'un appauvrissement osseux ultérieur par privation œstrogénique. Un tel enchainement de remodelages est probablement dû à une mécano-sensibilité exacerbée de l'os maternel soumis à un déficit œstrogénique. Il semblerait que l'appauvrissement osseux transitoire survenant à court terme se traduise, à plus long terme, par une meilleure protection du squelette face à une éventuelle ostéoporose post-ménopausique. 

Ainsi, comme l'avaient déjà mis en évidence de nombreuses études épidémiologiques antérieures, des antécédents de grossesses suivies d'allaitement ne semblent pas avoir d'effet négatif sur la survenue ultérieure de fractures. Ils semblent même avoir un effet inverse protecteur.

Membre de la Société française de chirurgie orthopédique (SoFCOT). D’après la communication du Dr X Sherry Liu (Philadelphie) au Congrès 2019 de l’American Academy of Orthopaedic Surgeons

Pr Charles Msika

Source : lequotidiendumedecin.fr