C ERTAINS papillomavirus humains (HPV) oncogéniques, en particulier l'HPV16 et l'HPV18, sont responsables du développement du cancer du col de l'utérus et des cancers épithéliaux anogénitaux. Leur rôle est moins certain dans les cancers épithéliaux de la tête et du cou (bord interne des lèvres, langue, plancher de la bouche, cavité orale, oropharynx, nasopharynx, hypopharynx, nez et sinus, larynx). On soupçonne leur rôle dans ces cancers parce que de l'ADN HPV16 a été mis en évidence dans le tissu tumoral.
En outre, l'association causale entre l'infection à HPV16 et les cancers de l'épithélium pavimenteux muqueux est tout à fait plausible biologiquement. En effet, l'HPV16 peut rendre immortelles in vitro les cellules épithéliales cervicales et orales. Les oncoprotéines E6 et E7 de l'HPV inactivent les suppresseurs de tumeur p53 et pRb. De plus, dans une étude récente, l'identification d'ADN HPV16 dans 11 de 12 carcinomes des amygdales, déficients en activité pRb, et dans aucun des 9 carcinomes des amygdales, non déficients en activité pRb, suggère que l'HPV6 pourrait agir dans la carcinogenèse orale par l'intermédiaire de son oncoprotéine E7 inactivant pRb. Mais les études cas-témoins n'ont jusqu'ici pas été convaincantes.
Mork et coll. ont conduit une nouvelle étude cas-témoins, portant, cette fois-ci, sur une cohorte de 900 000 habitants de Norvège, de Finlande et de Suède qui ont remis des échantillons sériques à quatre banques de sérum.
Plusieurs années avant le diagnostic
La force de cette étude cas-témoins est son caractère prospectif : les échantillons sériques recueillis plusieurs années (9 ans en moyenne) avant le diagnostic d'un cancer de la tête et du cou chez 292 patients ont été testés pour les anticorps anti-HPV (HPV16, 18, 33 et 73). Les échantillons sériques de 1 568 personnes témoins de la cohorte ont aussi été testés.
L'étude montre que la séropositivité HPV16 est deux fois plus fréquente chez les patients qui ont développé ultérieurement un cancer de la tête et du cou que chez les sujets témoins (12 % contre 7 %). En revanche, les taux de séropositivité HPV18, HPV33 et HPV73 sont les mêmes dans les deux groupes. Après ajustement pour les taux de cotinine (un marqueur du tabagisme), le risque de cancer de la tête et du cou est significativement associé à la séropositivité HPV16 (OR = 2,2 ; IC95 % : de 1,4 à 3,4).
L'étude indique que les cancers de la lèvre et les cancers du nez, sinus et nasopharynx ne sont pas liés à la séropositivité HPV16. Pour tous les autres cancers de la tête et du cou, l'OR est de 2,6 (IC95 % : de 1,7 à 4,2). Le risque de cancer associé à la séropositivité HPV16 est surtout élevé pour le cancer de la langue (OR = 2,8) et le cancer oropharyngé (OR = 14,4) ; en outre, la plupart des cancers oropharyngés surviennent dans les amygdales.
Dans 50 % des cancers oropharyngés
Les investigateurs ont trouvé de l'ADN HPV16 dans 50 % des cancers oropharyngés et 14 % des cancers de la langue. Mais puisque la plupart des infections HPV sont transitoires, l'absence d'ADN HPV n'élimine pas une précédente exposition.
« Notre étude ne démontre pas une relation de cause à effet entre l'infection HPV16 et le cancer épithélial de la tête et du cou », concluent les investigateurs. « Néanmoins, le fait qu'un surcroît de risque ait été détecté plusieurs années avant le diagnostic de cancer indique que nos résultats ne peuvent probablement pas être expliqués par une réactivation du virus, ou une meilleure détection du virus, dues au développement du cancer. »
« New England Journal of Medicine », 12 avril 2001, p. 1125
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