L E succès de la police française risque de tourner à l'embarras juridique et diplomatique : la France extradera-t-elle James Charles Kopp, 46 ans, fortement soupçonné d'être l'assassin d'un médecin pratiquant des avortements, alors qu'il risque la peine de mort aux Etats-Unis ?
James Charles Kopp était l'un des dix fugitifs les plus recherchés par le FBI. C'est lui qui, le 23 octobre 1998 à Buffalo, dans l'Etat de New York, aurait tué le Dr Barnett Slepian, 52 ans, à son domicile, devant sa femme et l'un de ses quatre enfants. Le ministre de la Justice américain, John Ashcroft, et le directeur du FBI, Louis Freh, ont félicité les autorités et la police française pour son arrestation à Dinan, en Bretagne, jeudi dernier. « Nous sommes très heureux de cette arrestation », a dit Louis Freh, en soulignant le caractère « particulièrement odieux » de l'assassinat du médecin devant sa famille. « La violence n'est pas une façon de résoudre les désaccords », a, pour sa part, commenté John Ashcroft, qui est lui-même un farouche adversaire de l'interruption de grossesse.
C'est grâce à « des tuyaux » du FBI que l'interpellation a pu avoir lieu. Kopp a été arrêté à la sortie d'un bureau de poste et s'apprêtait, semble-t-il, à quitter le pays. Deux activistes antiavortement ont été arrêtés le même jour aux Etats-Unis : ils sont soupçonnés d'avoir prévu de l'héberger à New York. L'un d'entre eux avait plaidé coupable en 1987 pour avoir dynamité une clinique d'IVG new-yorkaise et placé une bombe, qui avait été désamorcée, dans une autre. Recherché dans le monde entier, Kopp aurait changé plusieurs fois de nom et obtenu chaque fois permis de conduire et passeport, ce qui implique des complicités. D'autres arrestations pourraient avoir lieu.
La traque est donc finie, la bataille judiciaire commence. Les Etats-Unis ont immédiatement demandé l'extradition de Kopp, qui pourrait poser problème dans la mesure où la loi française interdit d'extrader des suspects qui risquent la peine de mort. Kopp est poursuivi pour meurtre au second degré et violation de la loi sur l'accès aux cliniques par usage de la force contre un médecin pratiquant l'avortement ; la peine prévue par l'Etat est la prison à vie et la peine fédérale peut être la peine de mort. Le Canada a lancé l'an dernier un mandat d'arrestation pour la tentative de meurtre d'un médecin en 1995 à Ancaster, dans l'Ontario. La police souhaite aussi l'interroger sur des tentatives à l'encontre de deux autres praticiens, l'un à Vancouver en 1994, l'autre à Winnipeg en 1997. Les Etats-Unis ont quarante jours pour présenter le dossier de demande d'extradition, qui sera examiné par trois juges de Rennes. La question de la peine de mort est d'autant plus brûlante que Jacques Chirac vient de demander devant la Commission des droits de l'homme des Nations unies, à Genève, « l'abolition universelle de la peine de mort » et, en attendant, « un moratoire général ».
« Le chien atomique »
Kopp, qui habitait dans le Vermont, près de la frontière canadienne, était un militant antiavortement de longue date, surnommé « le chien atomique » dans les cercles « prolife ». Il avait été arrêté dans plusieurs Etats américains, depuis 1990, pour avoir participé à des manifestations contre des cliniques ou des dispensaires pratiquant des IVG. Interrogé par le procureur de Dinan, il s'est refusé à toute déclaration dans l'immédiat et a été placé sous écrou extraditionnel à la maison d'arrêt de Rennes.
Les militants antiavortement restent très actifs aux Etats-Unis et organisent notamment chaque année une manifestation à Washington, le jour anniversaire de l'autorisation par la Cour suprême de l'IVG, le 22 janvier 1973 (l'arrêt Roe contre Wade). Mais les actes de violence contre des médecins ont nettement diminué ces dernières années, passant de 437 en 1993 à 108 en 1999, selon la Fédération nationale sur l'avortement.
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