Les internes de l’hôpital de Bicêtre viennent d’être victimes d’une bien mauvaise farce de la part de quelques camarades d’un hôpital de Paris.
Ceux-ci avaient appris que leurs collègues de Bicêtre, qui ont un jardin et quelques locaux tels que serre, buanderie, etc., à eux spécialement affectés, avaient élevé un cochon et que cet animal, gras et dodu, était en parfait état pour être dégusté.
Revêtus de longues blouses blanches, coiffés de casquettes de soie, nos futurs médecins se hissaient, mercredi dernier, vers dix heures du soir, dans un fiacre loué pour la circonstance et arrivaient à Bicêtre vers minuit, l’heure des crimes !
Parfaitement au courant des locaux, ils longeaient le mur d’enceinte, s’introduisant dans le jardin en franchissant une clôture et arrivaient bientôt à la porte de la buanderie qui n’était pas fermée. En quelques secondes, le cochon était ficelé, mais, comme il commençait à pousser des grognements, l’un des internes lui appliqua sur le groin un mouchoir imbibé de chloroforme (quelle scène de drame, ô Dennery !), et dix minutes après, les jeunes gens avaient rejoint le fiacre et faisaient route vers Paris avec leur victime.
Tout à coup, l’un des voyageurs songea qu’on allait passer à l’octroi et que les gabelous demanderaient une taxe pour le cochon. Quel parti prendre ? On arrêta la voiture, on descendit et, sur le trottoir, à la lueur d’un bec de gaz, on chercha une combinaison pour éviter les frais. À ce moment survinrent trois vauriens, à mine patibulaire, qui, en voyant les internes avec leurs blouses et leurs casquettes, les prirent pour des acolytes en quête d’un mauvais coup et leur proposèrent de leur donner un coup de main.
Naturellement, on refusa leur concours et l’on remonta en voiture. À la barrière, les employés de l’octroi interrogent les voyageurs qui exhibent leurs cartes d’étudiants et déclarent qu’ils viennent de chercher un porc atteint de la rage pour le transporter à l’Institut Pasteur. Ils passent sans bourse délier.
Le trajet s’accomplit sans encombre jusqu’à la rue Gay-Lussac, mais là le compagnon de Saint-Antoine se réveilla tout à fait et se mit à pousser des cris stridents. Un des internes eut alors l’idée de s’asseoir sur lui pour l’étouffer. Il y réussit parfaitement car l’animal piqua sa petite syncope. Aussitôt nos médecins, rappelés au devoir professionnel, font arrêter les voitures et se mettent en devoir de pratiquer la respiration artificielle et les tractions rythmées de la langue sur l’animal à demi asphyxié. Tout ut inutile : le cochon avait trépassé…
Puis ils rentrèrent à l’hôpital, non sans avoir déposé le cochon chez un charcutier du voisinage qui se mit aussitôt en devoir de confectionner des jambons, des saucissons, du boudin, des pieds, etc. À neuf heures du matin, le sacrifice était consommé !
Mais la plaisanterie ne s’arrêta pas là.
Les internes poussèrent plus loin l’audace. Ils firent confectionner, au nom de leurs camarades volés, des invitations et les adressèrent à tous leurs collègues des hôpitaux pour les engager à venir, à Bicêtre, déguster le cochon qu’on venait de tuer à leur intention.
Avant-hier, vers sept heures du soir, une soixantaine de futurs médecins arrivaient à l’hôpital de Bicêtre, avec un appétit féroce, pour prendre part au festin… et apprenaient de leurs collègues furieux non seulement que le camarade de Saint Antoine avait été volé mais qu’on n’avait préparé aucun repas. Circonstance aggravante : à ce moment arrivait, par colis postal, un magnifique jambon provenant de la victime, mais un jambon pour soixante et quelques jeunes gens, ce n’était pas suffisant et les mystifiés se mirent dans une colère épouvantable…
L’histoire ne dit pas si on est arrivé depuis à découvrir les coupables.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature