« C ETTE nouvelle technique est intéressante car, pour la première fois, nous pouvons identifier des circuits faisant intervenir des classes spécifiques de neurones », commente dans un communiqué, le Dr Jeff DeFalco (université Rockefeller, New York). Cette technique de traçage neuronal pourra être utilisée pour révéler d'autres circuits neuronaux complexes. La décision de s'alimenter dépend d'une variété de facteurs motivation, de facteurs métaboliques, de facteurs hormonaux, parmi lesquels le taux plasmatique de la leptine. La leptine est, on le sait, une hormone produite par les adipocytes. Elle signale l'information nutritionnelle au cerveau. En général, une quantité accrue de graisse entraîne une production accrue de leptine et une quantité réduite de graisse une production réduite de leptine. Une augmentation ou une diminution des taux de leptine déclenche une série de réponses qui agissent de façon à ce que le poids reviennent à sa valeur de départ.
Ainsi, des taux accrus de leptine réduisent l'apport alimentaire, et des taux augmentés l'élèvent. La leptine exerce ses effets en modifiant l'activité de certains neurones dans l'hypothalamus. Ces neurones reçoivent aussi des signaux neuronaux d'autres régions cérébrales qui restaient à découvrir.
Un gène de la méduse dans le virus de la pseudorage
Afin d'identifier ce circuit neuronal qui arrive au centre de la faim, DeFalco et coll. ont développé une nouvelle technique. Ils ont inséré le gène d'une protéine de la méduse qui émet une lumière verte fluorescente dans le virus de la pseudorage (PRV). Ce virus ne se propage qu'entre les neurones qui sont en contact synaptique et il se propage de façon rétrograde, c'est-à-dire dans le sens opposé de la transmission nerveuse. Ce virus a déjà été utilisé pour tracer des circuits neuronaux, mais jamais pour tracer des circuits connectés à des neurones spécifiques, puisque ce virus infecte n'importe quel neurone. L'innovation est la suivante. Les chercheurs ont créé une souche virale recombinante du PRV qui se réplique et exprime la protéine fluorescente seulement dans les cellules porteuses du gène de la Cre recombinase. Ils ont ensuite produit deux souches de souris qui expriment la Cre recombinase seulement dans les neurones qui possèdent soit le récepteur leptine, soit le neuropeptide Y. On sait que le récepteur leptine sur les neurones reçoit le signal leptine et que l'injection du neuropeptide Y augmente la prise alimentaire chez la souris.
Les chercheurs ont ensuite injecté ce virus recombinant dans la région de l'hypothalamus de souris qui contient les neurones exprimant le récepteur leptine et le neuropeptide Y. Le virus s'est alors propagé de façon rétrograde de neurones en neurones, visualisant ainsi le circuit neuronal arrivant au centre de la faim. L'examen des coupes cérébrales prélevées à différents temps après l'infection établit une hiérarchie du signal neuronal.
Emotion, olfaction, fonctions supérieures
Ils ont ainsi trouvé qu'en plus du signal de la leptine, les neurones hypothalamiques qui expriment les récepteurs de la leptine reçoivent des signaux d'un certain nombre de centres du système neveux central (SNC), dont l'amygdale et le cortex (comme le cortex rétrosplénial et le cortex entorhinal latéral), qui jouent des rôles dans l'émotion, l'olfaction et certaines fonctions cérébrales supérieures.
« Le tracé précis de l'architecture du système nerveux qui contrôle le comportement de l'alimentation est nécessaire pour découvrir les mécanismes moléculaires qui contrôlent le poids », commente dans un communiqué le Dr Friedman, un membre de l'équipe. L'étude des mécanismes moléculaires par lesquels ces neurones altèrent l'activité des cellules exprimant le neuropeptide Y et le récepteur leptine pourrait conduire à l'identification de nouvelles molécules qui régulent la faim. Enfin, une modification de cette méthode pourrait maintenant être utilisée pour définir les circuits de sortie du centre de la faim.
« Science » du 30 mars 2001, p. 2608.
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