« “- Baiserai-je ? ”, demande Thomas Diafoirus dans le “Malade imaginaire ”. “ - Oui, oui », répond son père, – notre confrère du XVIIe siècle.
Si Molière eût vécu à notre époque, eût-il prêté à son médecin la même réponse ? La chose est douteuse, vous allez en juger.
On avait dit au congrès de la tuberculose que le baiser était le principal moyen de contagion du lupus ; et nous nous étions promis de savoir si, chez les Japonais – où l’on ne s’embrasse pas – la fréquence du lupus était aussi grande qu’en Europe. Voici la marche et le résultat de notre enquête.
Nous avons recherché dans nos relations la personne qui nous semblait la mieux qualifiée pour nous mettre en rapport avec des confrères japonais. Nous avons fait appel à l’obligeance du gendre du marquis Ito (l’illustre homme d’État qui a fait l’alliance anglo-japonaise), M. le baron Suyematsu. Avec une amabilité dont nous sommes heureux de le remercier publiquement, ce très distingué représentant de la grande nation du Levant a transmis aussitôt l’objet de notre enquête à un médecin japonais actuellement en Allemagne et nous a fait parvenir la réponse de notre confrère. Nous citerons les principaux passages de cette lettre, écrite en anglais :
“Cette maladie (le lupus) existe au Japon, mais elle est très rare. Elle est, au contraire, très fréquente en Europe. Pour ce qui est de mon expérience personnelle, étant étudiant, j’ai vu un cas authentique de lupus. Depuis lors, en l’espace de sept ans, j’en ai vu un autre cas, mais douteux celui-là. Dans le premier cas, c’était un jeune homme, et le mal était localisé aux narines et à la joue. Dans le second, il s’agissait d’un homme de 35 ans environ, et le mal siégeait sur le devant de la jambe gauche.
“ En ce qui regarde le Japon, je ne connais pas d’ouvrage où soit établie la nature contagieuse du mal. Toutes les observations publiées plaident en faveur de la spontanéité, et bien qu’il s’agisse toujours de tuberculose bacillaire, les symptômes sont très différents selon les cas.
“Quant à savoir pourquoi le lupus est rare au Japon, tandis que les autres affections de nature tuberculeuse y sont fréquentes, je n’en connais aucune explication nette et plausible.
“Une chose certaine, c’est que, dans la race mongole, la peau est beaucoup plus résistante que dans la race blanche…
“Si l’on considère le siège habituel du lupus et sa nature contagieuse, l’hypothèse de la propagation par le baiser semble très plausible. ”
À cette lettre, M. le baron Suyamatsu a joint personnellement ce post-scriptum :
“J’espère que ces détails suffiront à vous éclairer. J’ajouterai que nous n’avons pas de mot correspondant au sens du mot européen, kiss ou baiser… Il y a bien, dans notre langue, l’expression Kuchi wo su-u, qui signifie littéralement baiser la bouche d l’un ou de l’autre. Encore n’est-elle pas usitée en société. Aussi vous auriez raison de dire que le baiser est inconnu des Japonais. Mais je ne nie pas que des amoureux ou des époux puissent adopter, dans le particulier, la méthode ci-dessus indiquée. ”
Vous voyez que notre confrère Diafoirus eût hésité devant la question de son fils : - “Baiserai-je ? ”. Le Japon donne la réponse. N’est-ce pas du Japon aujourd’hui que nous vient la lumière ? »
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