A VEC la contraception, les progrès de la science ont permis aux femmes d'affirmer leur mouvement d'émancipation. Ces mêmes progrès, qui ont ouvert l'accès à l'assistance médicale à la procréation (AMP) dès 1994, dans les lois de bioéthique, vont-ils renverser cette tendance ?
« L'AMP va-t-elle recréer une sorte de devoir d'enfant, s'interroge Martine Lignières-Cassou, présidente de la Délégation aux droits des femmes, qui organisait un colloque sur les femmes et la bioéthique (1). La parole de Simone de Beauvoir sur le prétendu devoir de maternité serait-elle aujourd'hui d'actualité ? Ou l'AMP au contraire devient-elle une médecine au service du désir librement exprimé? ».
La révision des lois bioéthiques de 1994 (le projet de loi est toujours à l'examen au Conseil d'Etat), devrait élargir le recours aux techniques de l'AMP et donnera aux femmes la « liberté de choisir d'être mère », préfère dire le ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner. Mais, comme toute liberté, celle-ci implique des responsabilités vis-à-vis de l'enfant à naître, du père de l'enfant, de la société en général, de la femme en particulier. « Ce qui me frappe surtout, a-t-il expliqué, c'est la responsabilité que vous prenez vis-à-vis de vous-mêmes en vous engageant dans ces techniques. Vous le savez, elles sont loin d'être anodines. Il s'agit de traitements violents, de sujétions lourdes et répétées, pendant des mois, voire des années, avant qu'un succès n'intervienne, s'il intervient jamais, puisque, malheureusement, les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des espérances ».
Sur les 760 000 naissances qu'il y a en France chaque année, 20 000 sont issues des techniques de fécondation in vitro (sur 40 000 tentatives). Si la fécondation in vitro est actuellement plus maîtrisable, précise René Frydman, chef du service de gynécologie-obstétrique à l'hôpital Antoine-Béclère (Clamart), les techniques d'insémination et de stimulation de l'ovulation doivent être encore approfondies. Les complications sont, en outre, importantes : risque d'hyperstimulation ovarienne, grossesses multiples (25 % des grossesses cliniques sont gémellaires).
Au-delà des progrès techniques, il y a aussi les conditions dans lesquelles les femmes y accèdent. Or, l'histoire quotidienne des femmes qui ont recours à l'AMP n'est pas enviable. « Les traitements de fécondation in vitro sont douloureux et très contraignants, témoigne l'une d'elles, après sa quatrième tentative de fécondation in vitro (FIV). Ce sont des injections quotidiennes pendant 15 à 30 jours, des échographies, des prises de sang. Concrètement, cela veut dire que l'on arrive tardivement à son travail, que l'on doit récupérer le temps perdu, les soirs ou les week-ends. Au bout de ces 15 jours, on se rend à l'hôpital le jour de la ponction avec les ovaires torturés, en étant fatiguée et stressée. »
Un accompagnement psychologique
D'après le texte de la loi de 1994, un soutien psychologique doit être proposé. « Mais par manque de temps et d'argent, on ne le fait pas. Par ignorance également : lorsque l'on sait que le problème est physiologique, on ne comprend pas pourquoi il faudrait en parler. Moi, j'ai compris l'utilité du psychologue après ma troisième tentative de FIV », avoue cette femme qui suggère d'imposer une consultation psychologique, prise en charge par la Sécurité sociale, dès le premier rendez-vous. Pour René Frydman, il est évident que l'accompagnement des couples doit être effectué par un personnel formé à ces techniques. « Mais, depuis 1994 que je réclame la présence d'un psychologue dans mon service (à Cochin, à Paris), ma demande n'a toujours pas été satisfaite », constate le Pr Pierre Jouannet, qui préside la Fédération française des CECOS (Centre d'étude et de conservation du sperme humain). Ce sont alors des associations de patients, comme celle que préside Chantal Ramogida, Pauline et Adrien (2), qui prennent le relais, avec leurs moyens.
(1) Colloque organisé à l'Assemblée nationale.
(2) Tél. 01.39.75.66.42.
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