R ENE FERET n'a jamais reculé devant la difficulté, même quand il a eu le plus grand mal à réunir des fonds pour faire ses films. Depuis « Histoire de Paul », prix Jean Vigo 1975, il n'a réalisé que dix films et le dernier, « Rue du Retrait », n'a rien à envier à « la Communion solennelle », « le Mystère Alexina » ou « Baptême » pour l'ambition du sujet. Un sujet, la grande vieillesse, l'approche de la mort, qui ne pouvait que rebuter les producteurs, sans compter les assureurs, avec une actrice de quelque 90 ans.
Mais Féret tenait à ce sujet, inspiré par un livre de Doris Lessing (« The Diary of a Good Neighbour »), avec le souvenir de la mort de sa propre mère, juste avant le tournage de « Baptême ». Et il l'a portée à l'écran avec les moyens du bord, en DV, dans son quartier, le XXe arrondissement de Paris, et dans la maison de l'actrice principale, Marion Held.
Rue du Retrait : si le titre évoque tout simplement la rue de René Féret à Belleville, il symbolise aussi l'immense solitude qu'entraîne souvent la vieillesse. Mado est très vieille, malade, seule et a abandonné tout narcissime : elle vit dans un intérieur aussi salle qu'elle-même et refuse la compassion, l'aide des autres, encore que celle-ci se manifeste très rarement. Jusqu'à ce qu'Isabelle, 45 ans, publicitaire, entre dans sa vie. Au début, il ne s'agit que d'aider une vieille dame à porter ses courses. Puis Isabelle, dans des allers-retours incessants de compassion-répulsion commence à prendre en charge Mado, jusqu'à délaisser son travail et son compagnon plus jeune qu'elle. Elle ne répugnera à aucune tâche, même les plus sordides, dans des scènes éprouvantes bien que pudiques, comme celle où elle lave la vieille femme au corps plus qu'usé.
C'est bien sûr l'image de notre propre vieillesse, même si elle doit être moins sordide, que Féret nous oblige à contempler, avec le regard de la quadragénaire qu'est Isabelle : un regard fait de d'étonnement, de peur et de pitié mais aussi, finalement, d'amitié. On ne sortira guère réconforté de cette visite rue du Retrait, d'autant que l'image DV n'a pas la luminosité et les contrastes auxquels le cinéma grand écran récent nous a habitués. Mais les interrogations et les angoisses peuvent être salutaires.
Comme a dû l'être, il faut le croire, ce tournage difficile pour Dominique Marcas, recruté par Féret grâce à une annonce dans « Libération ». Une actrice à la longue expérience, au théâtre et au cinéma, et qui, née Napoleone Perrigault, doit son nom de scène à son amitié pour Arletty (Dominique dans « les Visiteurs du soir ») et Maria Casares (elle a gardé les premières syllabes du prénom et du nom pour faire Mar-Cas). Le plaisir de jouer, intact, c'est une belle leçon.
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