L E Premier ministre britannique, Tony Blair, a repoussé la date des élections au 7 juin pour cause de fièvre aphteuse. Il veut que l'épizootie soit contrôlée avant que les électeurs ne se déplacent en masse vers les bureaux de vote.
Le report prend la forme d'un ajournement des élections locales qui étaient prévues pour le 3 mai, sans que la date ne fût annoncée officiellement. Les Britanniques ne souhaitent pas, toutefois, retourner aux urnes l'année prochaine, celle des élections législatives. Le 7 mai servira donc aussi à des élections générales anticipées.
L'opposition conservatrice a fait valoir que personne ne sait si l'épizootie de fièvre aphteuse sera contrôlée le 7 juin prochain. Tony Blair a répondu qu'il ne pouvait pas retarder indéfiniment le processus démocratique. Ce qui semble signifier que la campagne, elle, a commencé.
M. Blair souhaite avancer les législatives d'un an parce qu'il pense que la situation économique et sociale de la Grande-Bretagne va se détériorer. Déjà, l'avance du Labour sur les Tories a baissé de 3 points, à 16 %. On note néanmoins que les Britanniques ne tiennent pas rigueur à Tony Blair des catastrophes dont ils n'ont cessé d'être victimes, depuis la maladie de la vache folle jusqu'à la fièvre aphteuse en passant par les inondations.
Certes, le monde rural britannique en a beaucoup souffert. Mais depuis quatre ans que le Labour est au pouvoir, le chômage est tombé au-dessous de 4 %, la livre est solide, la croissance a été forte. La troisième voie, chère à Blair, à Clinton et semble-t-il, à Schröder, aura donc porté ses fruits.
Mais enfin, le Premier ministre constate que les méthodes de gestion, si originales soient-elles, ne peuvent rien contre les cycles économiques. S'il ne procède pas à des élections anticipées, il risque, d'ici à l'année prochaine, de perdre sa majorité.
Ce qui en dit long au sujet de l'influence du pouvoir politique sur l'économie. Troisième voie ou non, M. Blair ne croit pas avoir les moyens de maintenir la croissance au niveau de l'an dernier. Il va donc se dépêcher de demander un nouveau mandat à l'électorat avant que celui-ci ne soit lassé de la gestion sociale-démocrate.
Le Premier ministre, s'il est reconduit dans ses fonctions, aura fort à faire. C'est un ardent partisan de l'euro dans un pays qui ne voit pas pourquoi il troquerait la bonne vieille livre sterling contre une monnaie-patchwork ; c'est un fervent Européen dans un océan d'eurosceptiques ; c'est un chef de gouvernement qui avait avec Bill Clinton des affinités idéologiques et culturelles, qui est encore capable de s'entendre avec George W. Bush, mais pas d'entretenir avec le président américain les mêmes relations amicales qu'avec son prédécesseur ; c'est surtout un Premier ministre qui devra bientôt choisir entre « le grand large », si cher à Churchill, et l'insertion du Royaume-Uni dans l'Union européenne.
Pacte moral
Dans tous ces domaines, Tony Blair, jusqu'à présent, n'a pas montré qu'il avait des idées très originales. Au nom du pacte moral qui lie les Anglais aux Américains, il s'est souvent aligné sur les Etats-Unis ; sa diplomatie n'est vraiment active que dans les Balkans, où il prend souvent le relais des Etats-Unis. Mais il a su préserver sa popularité face à un peuple accablé par les fléaux naturels qui aurait pu faire du Premier ministre son bouc émissaire. Il est vrai que les Anglais sont moins capricieux que les Français et qu'ils ont enduré vache folle et fièvre aphteuse avec un immense stoïcisme. Il est vrai aussi que, avant de ramener les travaillistes au pouvoir, ils avaient eu une indigestion de thatchérisme, suivie d'une prestation fort peu convaincante de John Major. Sans doute ne sont-ils pas prêts à rendre le pouvoir aux Tories et préfèrent-ils, pour l'alternance, un rythme plus lent. Une certaine sagesse de ses compatriotes, c'est la chance de M. Blair.
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