Dans la sclérose en plaques

La saisonnalité des poussées expliquée par la mélatonine

Publié le 14/09/2015
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Crédit photo : PHANIE

« Des molécules activant le signal mélatonine pourraient représenter de nouvelles cibles pour l’immunomodulation thérapeutique dans la SEP et peut-être dans d’autres maladies inflammatoires, estime le Dr Francisco Quintana (Brigham and Womens Hospital, Boston). Toutefois, tant qu’un essai clinique n’aura pas établi un médicament approprié et sa dose, il est déconseillé de prendre la mélatonine pour traiter la SEP. »

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune du système nerveux central caractérisée par une destruction progressive de la myéline par des cellules T autoréactives.

Le développement et l’évolution de la maladie sont influencés par des facteurs génétiques et par des facteurs environnementaux, tels que des infections, un apport élevé en sel, le tabac, et de faibles taux de vitamine D. Par exemple, de faibles taux de vitamine D sont associés à un taux plus élevé de rechutes, et la vitamine D est connue pour avoir des effets anti-inflammatoires. Puisque la synthèse de vitamine D dépend de l’exposition au soleil, ses taux sont plus élevés au printemps et en été, et l’on devrait dès lors observer davantage de poussées de SEP en hiver. Or, les études observent l’inverse, à savoir une recrudescence des poussées de SEP au printemps et en été. Une étude de Farez et coll. publiée dans la revue « Cell » explique maintenant ce paradoxe saisonnier.

139 patients

L’équipe a d’abord étudié 139 patients atteints de SEP rémittente et vivant à Bueno-Aires.

Après avoir confirmé la fluctuation saisonnière des poussées chez ces patients, avec un nombre de rechutes réduisant de 32 % en automne-hiver, l’équipe a constaté que parmi plusieurs facteurs environnementaux (dont la vitamine D et les infections des voies respiratoires supérieures), seuls les taux de mélatonine étaient corrélés - inversement - au nombre de rechutes.

Puisque la mélatonine est synthétisée la nuit en réponse à l’absence de lumière, les taux de cette hormone fluctuent selon les saisons, s’abaissant au printemps et en été durant les nuits plus courtes, et s’élevant en automme-hiver. Les données de l’étude montrent que les taux plus élevés de mélatonine en automne-hiver sont associés à une amélioration des symptômes.

Les chercheurs ont ensuite constaté qu’un traitement par la mélatonine limite le développement d’une encéphalite auto-immune expérimentale (EAE) chez la souris, un modèle murin de SEP. Cet effet protecteur de la mélatonine est lié à la restauration de l’équilibre des cellules T dans le cerveau, la moelle épinière et plusieurs organes immunitaires.

Des résultats à confirmer

L’étude in vitro de cellules T humaines confirme que la mélatonine bloque la différenciation des cellules T pathogéniques (Th17), et stimule la différenciation des cellules T protectrices (Tr1).

« La grande force de l’étude est que nous montrons en détail par quels mécanismes la mélatonine module le système immunitaire. De plus, nous montrons les effets de la mélatonine à la fois dans un modèle animal de SEP, sur des cellules humaines, et chez des patients », souligne le Dr Mauricio Farez (FLENI, Buenos Aires) qui prévient néanmoins que ces résultats devront être confirmés dans des cohortes plus larges et génétiquement différentes.

Les chercheurs projettent de débuter un essai pilote pour évaluer l’effet d’un traitement ciblant le signal mélatonine chez des patients avec SEP. Ils explorent également si de faibles taux de mélatonine majorent le risque de développer la SEP. Enfin, les implications de cette étude pourraient peut-être s’étendre a d’autres maladies auto-immunes comme les maladies inflammatoires intestinales, le lupus et la polyarthrite rhumatoïde.

Cell 10 septembre 2015, Farez et coll.
Dr Véronique Nguyen

Source : Le Quotidien du Médecin: 9432