Presque inexistants il y a quarante ans, les droits des patients sont devenus un rouage essentiel pour la bonne marche du système de soins. Jusqu’à leur consécration, en 2002, avec la loi Kouchner relative « aux droits des malades et à la qualité du système de santé ».
Tout en actant l’obligation du consentement aux soins, le législateur permet alors aux patients d’accéder à leur dossier médical. à l’époque, ces avancées suscitent l’inquiétude d’une partie du corps médical. Individuels ou collectifs, les droits des malades sont aujourd’hui incontournables comme l’atteste l’élection en 2011 d’une représentante des usagers à la tête de la Conférence Nationale de Santé ou plus récemment la création, par la loi de santé de Marisol Touraine, de l’action de groupe en santé.
Quatre phénomènes
Si la loi de 2002 marque un véritable tournant, elle s’inscrit toutefois dans une dynamique plus durable de montée en charge du droit des patients. Un mouvement que Didier Tabuteau – actuellement responsable de la chaire Santé de Sciences Po et à l’origine de cette réforme – rapproche de quatre phénomènes. « La doctrine administrative et médicale d’humanisation des hôpitaux » est le premier d’entre eux. Dans les années 1970, il est, par exemple, mis fin aux salles communes, et frapper avant d’entrer dans une chambre est institué… C’est à cette époque, en 1974, qu’est rédigée la « Charte du patient hospitalisée » dont la troisième version est actuellement en vigueur. Un mouvement juridictionnel marque la décennie suivante au cours duquel « la Cour de Cassation et le Conseil d’État affirment le droit des malades (quant à leur information, l’indemnisation, ndlr) », souligne celui qui s’apprête à publier un ouvrage sur le sujet.
Loi consensuelle
La société civile ne tardera d’ailleurs pas à s’emparer de ces questions et les patients donnent de la voix à partir de l’épidémie de Sida. Aides, Act up, autant d’« associations qui ne sont pas pilotées par des médecins, mais des patients qui prennent leur maladie en main, insiste Didier Tabuteau, contribuent à l’élaboration des politiques de santé ». Le spécialiste poursuit avec l’exemple de l’Association Française contre les myopathies (AFM) et du Téléthon qui « vont inventer une politique de santé pour les maladies rares ». Le milieu politique va, enfin, finir par s’intéresser à ces questions « à travers l’engagement de différents responsables politiques », précise Didier Tabuteau. C’est d’ailleurs ce qui a permis, à ses yeux, d’aboutir à la « très consensuelle » loi de 2002. « C’est une bonne loi car il y a une convergence de mouvements », ajoute-il. Non sans nier l’existence d’un élément déclencheur : l’affaire du sang contaminé qui « a remis en cause la confiance dans le système de santé ».
La reconnaissance des droits des patients n’a pas été suivie d’un engorgement des tribunaux. Ni d’une judiciarisation de la médecine. C’est du moins ce que soutient Didier Tabuteau, observateur averti de la jurisprudence. S’il y a une «grande constance quant au nombre de conflits », il note toutefois que celui des contentieux portés devant les juridictions a baissé à partir des années 2003/2004. Selon lui, la loi a permis « une clarification des droits et une pacification » des rapports entre médecins et patients. « Les droits des patients ne sont pas une voie vers la justice, tranche-t-il, c’est dans le flou que règne le contentieux ».
Quinze ans après la promulgation de la loi, « les principes sont bien définis, il ne s’agit plus que d’appliquer les droits individuels », commente Didier Tabuteau. Il juge, en revanche, que « les droits collectifs sont insuffisants et qu’il faut aller plus loin dans l’organisation ». Et plaide pour que soient définis « plus précisément les droits sociaux des patients ».
Les dates clés
› 1989. Création d’Act Up Paris.
› 2002. Loi sur les droits des patients.
› 2016. Instauration de l’action de groupe en santé.
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