La dénutrition, une cause nationale

La pesée du patient doit être systématique

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Publié le 11/05/2017
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« Au sein de la Société francophone de nutrition clinique et métabolisme (SFNEP)*, nous avons longtemps cherché une manière de faire en sorte que la spécialité que nous représentons et les malades que nous soignons aient une plus grande visibilité. Mais aussi, que nous ayons les moyens de traiter toutes les personnes dénutries », affirme haut et fort, le Pr Éric Fontaine, président de la SFNEP.

Après plusieurs tentatives de communication grand-public infructueuses, la société savante décide de créer, fin 2015, un collectif de lutte contre la dénutrition réunissant des médecins et des membres de la société civile (sociologues, religieux, chercheurs, aidants familiaux, sociologues, philosophes…). Pendant 9 mois, le collectif mène alors un travail qui aboutit à un manifeste comprenant 10 propositions pour lutter contre la dénutrition. Présenté au grand-public et aux médias en octobre dernier, ce manifeste (que l'on peut signer sur le site change.org) suggère, notamment, de faire de la dénutrition la grande cause nationale du prochain quinquennat. Mais aussi, de lancer un Plan de lutte contre la dénutrition 2018-2021 pour enrayer la progression de la maladie et faire face à ses conséquences médicales, sociales et économiques.

Des propositions concrètes

« Nous souhaitons également que le médecin généraliste soit le pilier du dépistage de la dénutrition : la pesée du patient devrait être systématique, lors de chaque consultation. De même, les patients hospitalisés devraient être pesés à l'entrée et à la sortie de l'hôpital ; le poids devant figurer dans le compte rendu du dossier patient », indique le Pr Fontaine. Le collectif propose également d'imposer la présence d’un médecin nutritionniste et de 10 diététiciens pour 600 lits d’hôpital. « Nous demandons, en outre, aux politiques, qu'un tiers du budget du forfait hospitalier soit sanctuarisé pour l'achat de denrées alimentaires : aujourd'hui, le budget aliments dédié aux 3 repas journaliers d'un patient est, en moyenne, de 3,73 euros. Ce qui explique la qualité nutritionnelle, parfois discutable de certains aliments distribués à l'hôpital : 6 euros par jour et par patient pour 3 repas devrait être un minimum », assure le Pr Fontaine. Le suivi des patients dénutris devrait être également assurer en ville. Or aujourd'hui, les consultations assurées par des diététiciens ne sont pas remboursées. « Le problème, c'est aussi que la France est le seul pays d'Europe où les diététiciens sont formés en deux ans. Dans les autres pays, la formation dure 3 ans. De même, dans les facultés de médecine, il n'y a que 5 à 7h de cours sur la dénutrition. Les médecins généralistes manquent donc souvent de compétence en matière de nutrition parentérale et de dispositifs médicaux adaptés à la dénutrition. Or il faut savoir les prescrire », ajoute le Pr Fontaine. Car les risques liés à la dénutrition sont de taille aussi bien pour les personnes âgées que pour les enfants, les adolescents et les adultes atteints de maladies chroniques ou aiguës. À titre d'exemple, un cancéreux qui est amaigri voit sa médiane de survie divisée par deux. « Nous avons rencontré les politiques, et présenté nos doléances au conseiller d'Emmanuel Macron qui nous a promis de nous recevoir au ministère de la Santé s'il est élu », conclut le Pr Fontaine.

Un outil diagnostique et thérapeutique

Pour aider les médecins dans la prise en charge nutritionnelle de leurs patients, la SFNEP a également créé Nutrition Clinique : une application pour smartophne (téléchargeable gratuitement sur Androïd et iPhone). « Nutrition Clinique aide le médecin à évaluer et à diagnostiquer l'état et le risque nutritionnel de son patient. Les différents algorithmes de calcul proposent ensuite la prise en charge nutritionnelle optimale. De plus, l'application met à disposition du médecin des outils pratiques : calcul de la perte de poids, de l'IMC, du NRI, du NRS, des besoins protéiques et énergétiques, évaluation de la prise alimentaire. Enfin, elle est enrichie des recommandations actuelles sur les bonnes pratiques à suivre », indique le Pr Fontaine.

* La SFNEP comprend 450 membres (médecins, diététiciens, pharmaciens et chercheurs

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9580