« Faire mieux, plus, et plus vite » : c’est bien l’intention de Guy Fagherazzi, chercheur au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP, équipe Inserm à Villejuif) et responsable de la cohorte E4N [1], qui mobilise les technologies numériques avec l’ambition de créer une e-épidémiologie. Autrement dit : une épidémiologie moderne, capable de recueillir des informations quasiment en temps réel et de conduire, dans le même temps, des études interventionnelles.
E4N représente une étude de cohorte familiale unique en son genre, puisqu’elle va suivre trois générations afin de recueillir des informations sur les facteurs comportementaux et environnementaux à différentes périodes de la vie. « Notre objectif est de relier le mode de vie, les traitements et le risque de pathologie chronique au sein d’une famille pour dissocier ce qui relève de l’individu, de son environnement, des aspects génétiques ou épigénétiques », explique le chercheur [2].
Des mesures transmises par des objets connectés
Si la première génération est suivie par questionnaire papier, tous les deux à trois ans, depuis 1990, les deuxième et troisième générations le seront en revanche exclusivement en ligne. Le projet informatique, qui a débuté en février 2015, arrive à son terme : la plateforme est achevée, annonce l’équipe sur son site web. Dans l’intervalle, elle a confirmé la participation de 120 000 personnes sur les 200 000 prévues à terme. La numérisation de l’étude ne se borne pas à remplacer le papier par des formulaires en ligne. Des objets connectés (bracelets, balances, tensiomètres…) sont prévus, qui transmettront des mesures directement vers la plateforme, permettant, par exemple, d’analyser les données du sommeil.
Dans un premier temps, une sous-population de 800 personnes de la cohorte doit être équipée d’un bracelet connecté. Il s’agit, à cette étape, de les observer simplement durant une année, « pour mieux comprendre les usages en vie réelle » de ce type de dispositifs, commente Guy Fagherazzi. « L’important pour nous, en termes de recherche, est de collecter le maximum d’informations, de manière la plus continue possible sur les individus suivis dans nos études de cohorte. L’objet connecté est vraiment un outil qui nous permet de tendre vers cela ».
L’équipe compte ajouter à cette phase d’observation une étape consistant à vérifier la validité des mesures transmises par les objets. À terme, l’utilisation de smartphones, applications logicielles et autres dispositifs pourrait apporter des enseignements non négligeables concernant l’impact de ces technologies sur les modifications de comportement.
Étudier les tweets liés au diabète
Également responsable du projet World Diabetes Distress Study (WDDS), l’épidémiologiste, qui s’est spécialisé dans les recherches sur le diabète, se tourne en outre vers des approches exploitant les réseaux sociaux, formidables réservoirs à données. Observant que Twitter compte une vaste communauté de personnes diabétiques très actives dans leurs échanges, WDDS consiste à étudier tous les tweets liés au diabète, au niveau mondial, en anglais, en français et en espagnol. Un volume estimé à 5,2 millions de messages par an environ ! L’étude a en effet pour but d’identifier des marqueurs de risque innovants de la détresse liée au diabète, d’une mauvaise qualité de vie et du risque de complications.
Sur la base de l’analyse des tweets, une cohorte d’individus doit être formée qui se verront proposer un suivi par chatbot. Les participants qui l’accepteront pourront aussi utiliser une plateforme spécifique de partage de données. Une approche innovante qui contribuera à vérifier le potentiel d’un réseau social en complément des recherches plus classiques.
[1] https://www.e4n.fr/
[2] Interviewé dans le contexte du MOOC L’essentiel de la e-santé. https://www.e4n.fr/e4n-fleuron-de-le-epidemiologie
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